La Guerre de Caliban
J'avais parlé l'année dernière du premier tome de la série space-op' The Expanse, qui est à ce qu'il paraît sur le point d'être adaptée à la télévision. Que vaut donc sa seconde livraison, à laquelle je peux m'intéresser grâce à la complicité de son éditeur ?
Résumé :
Eros et sa population se sont plus, absorbés par la protomolécule extraterrestre, naufragés sur Vénus où les mutations et la croissance inouïe de la biomasse continuent. La "chose" semble s'organiser, voire peut-être même communiquer à travers l'espace... Sur Ganymède, les soldats de Mars et des Nations Unies s'observent comme des chiens de faïence : aucune des deux superpuissances du Système Solaire ne peut envisager d'abandonner à l'autre la maternité/grenier à blé des planètes extérieures... mais aucune pour autant n'ose engager une meurtrière escalade. C'est pourtant là que va se jouer le deuxième acte : un "supersoldat" se manifeste et vient à bout de deux groupes de Marines, l'un de la Terre et l'autre de Mars... Test prématuré d'une technologie avancée ou véritable aberration ? Pour James Holden, passé au service de l'Alliance des Planètes Extérieures, quelqu'un, quelque part, n'a pas renoncé à jouer avec la protomolécule et la guerre froide entre Terre et Mars pourrait bien se changer en véritable extermination... Quels alliés pourra-t-il trouver ? Quelle cause servir quand, partout, se manifestent cynisme et realpolitik ?
J'avais apprécié le premier volet de cette histoire et son intrigue est restée assez claire dans mon esprit depuis l'année dernière. Son noeud en particulier - cette histoire de satellite artificiel de Saturne rempli d'un virus extraterrestre destiné à transformer (corrompre) la biosphère primordiale terrestre - n'était pas sans m'évoquer certaines idées tout droit sorties des X-Files voire de Robotech. A la lecture de ce deuxième tome, j'ai donc éprouvé la déception de voir que Vénus et ses aberrations hybrides restaient à l'écart de l'intrigue, au profit de la quête conduite par Holden et ses (trop) positifs amis à bord du Rossinante. Il est vrai que cette histoire de sauvetage d'une 'tite fille menacée par de lointains avatars de médecins dévoyés parlera sans doute plus au public général que les considérations esquissées autour de la protomolécule. Ce concept à lui seul donne le vertige : création biologique à même d'absorber n'importe quelle matière organique, endormie sous la glace d'une lune pour un temps si long qu'il rivalise avec celui de l'existence de la vie sur Terre, la protomolécule est pour les personnages de The Expanse la preuve définitive qu'il existe dans leur univers des forces qui les surpassent - et que l'espèce humaine, en réalité, n'est rien d'autre que la dernière arrivée dans une arène écologique où pullulent des prédateurs dont elle ignore tout.
Plus réjouissant pour les amateurs de space-op' classique sera le jeu des trônes engagé par un nouveau personnage, déterminé à faire converger les intérêts des uns et des autres afin d'en faire bénéficier l'ensemble de l'espèce humaine. Au-delà des mystères cosmiques, le space-op' questionne bien volontiers les rapports politico-diplomatiques au sein d'une population humaine (ou non) à l'échelle d'un ou de plusieurs systèmes stellaires : qu'est-ce donc d'autre que Dune, en fait, sinon l'histoire esquissée juste avant la scène du Navigateur dans le film de Lynch ? Sur ce point, La Guerre de Caliban satisfait assez bien le contrat, d'intrigues en alliances plus ou moins improbables et de toute façon remises en cause : face au véritable ennemi, celui qui se terre sur Vénus, les personnages positifs savent se retrouver dans le même camp lorsqu'il est temps. De ce fait, ce livre se lit bien : tout s'enchaîne et coule de source, de scènes d'action en moments de réflexion - pas du style prise de tronche, la réflexion, hein - et de tensions en relaxation.
A mes yeux, La Guerre de Caliban s'en sort sans défaut majeur mais sans enthousiasmer, le sujet initial ayant été détourné au profit de ce qui n'est en réalité qu'une intrigue secondaire. C'est bien dommage, et les références en mode wink-wink-nudge-nudge aux grands anciens et autres monstres sacrés - 2010 de Clarke, les Marcheurs blancs du Trône de Fer et pour ce que j'en sais les lovecrafteries les plus tentaculesques, à moins qu'il ne s'agisse des tentaculeries les plus lovecraftesques - ne suffisent pas à faire de ce livre l'indispensable qu'il aurait pu, qu'il aurait dû être. Tout espoir n'est cependant pas perdu : je ne manquerai pas, je pense, de lire la prochaine livraison...
Commentaires
D'après ce que j'ai glané, cette dernière sera plus centrale dans les prochains tomes.
Sinon j'aime beaucoup le côté picaresque de ce tome.