The Apocalypse Codex
Encore du Charles Stross, encore un roman du Cycle de la Laverie avec la livraison qui fait suite au Fuller Memorandum...
Résumé :
Un an a passé depuis l'incident londonien qui a failli coûter la vie à Bob Howard, "computational demonologist" à la Laverie, l'agence de contre-espionnage paranormal de Sa Majesté la Reine. A peine remis de ses émotions, voici que ses supérieurs veulent pourtant le faire monter en grade...Et pour cela, ils lui confient un nouveau cas, celui d'un télévangéliste américain trop proche à leur goût du locataire de 10 Downing Street. Mais, comme la Laverie n'a pas le droit d'enquêter sur le pouvoir en place, on lui confie une mission annexe : surveiller les deux sorciers free-lance qui vont, eux, conduire une investigation extra-légale sur le compte du prêcheur Ray Schiller. Ce qui veut dire, pour lui, récolter un passeport diplomatique puisque la mission va s'accomplir sur le sol des Etats-Unis... et récolter sans doute aussi beaucoup d'autres ennuis. Parce que Ray Schiller n'est pas n'importe quel révérend de carnaval et son véritable agenda pourrait bien déclencher la fin du monde tel que nous le connaissons...
Stross décrit dans cette série un univers où le monde, bien trop complexe pour être appréhendé comme il le faudrait par nos sens humains, regorge de menaces paranormales dont les plus compréhensibles - sorts permettant de contraindre la volonté d'un autre, maquillages plus ou moins étendus de la réalité pour la rendre plus... glamour - sont encore les plus inoffensives. Au-delà de la réalité vit un écosystème pullulant où l'esprit humain n'est rien de moins qu'une proie - voire même une ressource à moissonner. L'avenir, pour les protagonistes, est tout à fait bouché : un événement inéluctable s'annonce dans le futur, le CASE NIGHTMARE GREEN, pendant lequel la Terre deviendra le nouveau terrain de jeu des entités qui vivent dans l'ailleurs. L'enjeu de la Laverie - et donc, de toutes les agences paranormales des nations humaines - est en réalité de retarder cet événement pour augmenter les chances de survie de l'espèce. L'ennui, c'est que bien sûr des apprentis-sorciers peuvent eux aussi jouer avec la réalité, convaincus de détenir la solution - ou dupés par ces mêmes entités supérieures. Et qui est plus facile à duper qu'un croyant fanatisé ?
Bob Howard est projeté ici sur un terrain qu'il ne connaît pas, en compagnie de partenaires improbables dont il se méfie. En toute logique, cela conduit Stross à utiliser une nouvelle technique de narration : une partie de l'intrigue se déroule hors des yeux de Howard, contrôlée par l'un ou par l'autre des deux sorciers free-lance qu'il est chargé (version officielle) de surveiller (mais en fait, version officieuse, d'assister). Bien vite, l'accumulation d'horreurs permet au trio de comprendre qu'ils ont à faire face à plus forte partie : Schiller, parodie de télévangéliste, croit dur comme fer à sa version frelatée de la Bible et veut prendre sa dernière partie comme un manuel destiné à déclencher la parousie ! Et comme on est aux Etats-Unis, Howard et ses partenaires vont se rendre compte qu'ils ne peuvent compter sur personne - et sans doute même pas sur la version américaine de la Laverie, à savoir, la Chambre Noire et ses... Nazgûls !
Horreur ou fantasy urbaine, le Cycle de la Laverie ? Je dois dire que le travail réalisé par Stross, qui prend soin d'insérer ses personnages et son univers dans tous les espaces vraisemblables de notre propre monde s'apparente un peu au second genre - et l'on vient même à se demander jusqu'à quel point les deux personnages de sorciers free-lance ne sont pas un hommage aussi discret que lointain à Harry Potter, oeuvre si représentative de la fantasy urbaine. Mais, dans le même temps, le recours permanent à des lovecrafteries - dont certaines sont dignes des X-Files - signe une oeuvre plus noire et sans doute aussi plus profonde. Alors, qu'en reste-t-il ? Beaucoup de choses, à commencer par le savoureux humour geek et noir de Stross - et en même temps, pas désespéré. Car même pour les bagnards de la Laverie, l'espoir semble exister...
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