Vide Temporel : La Trilogie du Vide, tome 2
Peter F. Hamilton poursuit, dans ce deuxième tome, sa Trilogie du Vide déjà évoquée ici, qui faisait elle-même suite à la dilogie L'Etoile de Pandore (rien à voir avec Avatar, bien entendu, car Peter F. Hamilton a publié ses livres bien avant que le film de Cameron ne soit annoncé). Il y confirme, une fois de plus, son talent de grand maître contemporain du space-opera. Il y révèle par ailleurs que sa science-fiction ne se limite pas au champ du space-opera car tout un pan de l'intrigue racontée tient plutôt d'un planet-opera dont les accents deviennent peu à peu presque dignes de Dune... Ce qui lui permet de donner à son oeuvre une véritable profondeur philosophique.
Résumé :
Au coeur de la Galaxie, le Vide, cet univers artificiel ressemblant à un gigantesque trou noir massif, a commencé son oeuvre de destruction. Il dévore peu à peu la matière galactique. L'espèce humaine, qui occupe une position dominante dans la Galaxie, se voit mise en accusation : certains de ses membres, les fidèles de la religion du Rêve Vivant, veulent entrer dans le Vide car Inigo, leur messie, leur a offert ses rêves au sujet de Celui qui Marche sur l'Eau, Edeard, le premier qui ait compris comment il est possible de mener une vie de perfection dans le Vide. Les fidèles du Rêve Vivant pensent qu'en franchissant la barrière du Vide - tout comme l'ont fait, jadis, les ancêtres d'Edeard - ils pourront à leur tour rendre leurs vies parfaites. Mais Inigo a disparu de la scène publique et le Rêve Vivant n'a personne pour conduire le Pélerinage dans le Vide.
Au début de ce deuxième tome, le Grand Commonwealth sombre peu à peu dans le chaos. Le Rêve Vivant sait qu'un Second Rêveur se cache sur Viota, et que lui seul est capable de guider le Pélerinage dans le Vide à la place d'Inigo. C'est assez pour que soit déclenchée l'invasion de Viota. Le mot d'ordre est clair : le Second Rêveur doit être retrouvé quel qu'en soit le prix. Les exactions des paramilitaires du Rêve Vivant sur Viota déclenchent une indignation sans précédent au sein du Grand Commonwealth. Araminta, qui vient de découvrir qu'elle est le Second Rêveur, devient donc la proie d'une armée entière. Mais dans son refus de diriger le Pélerinage, elle a repoussé l'offre des Maîtres du Ciel, ces créatures qui sillonnent le Vide pour assister les êtres vivants qui s'y sont perdus. Aussitôt, le Vide commence une phase d'expansion sans précédent et affole l'ensemble des espèces intelligentes de la Galaxie.
Le Rêve Vivant et son Pélerinage ont de puissants alliés. L'ANA, cet univers virtuel intelligent où se téléchargent les êtres humains ne souhaitant plus subir les limitations de l'existence physique, est divisé en factions. Les Accélérateurs veulent convertir par la force l'ensemble de l'humanité à l'existence post-physique. Ils semblent prêts à utiliser le Vide et ses propriétés pour parvenir à leurs fins : ils soutiennent de leurs moyens les projets du Rêve Vivant. Le reste de l'ANA, et en particulier la faction des Conservateurs, met sur leur chemin l'enquêtrice Paula Myo, la femme qui possède une connaissance instinctive de ce qui est moral et de ce qui ne l'est pas, qui seule peut révéler au monde le complot des Accélérateurs et donc y mettre fin : chacun, s'il le souhaite, doit pouvoir conduire une vie physique. Mais hors du Grand Commonwealth, d'autres forces sont à l'oeuvre. Les Ocisen, une race extraterrestre agressive qui entretient une rancoeur tenace contre l'espèce humaine, ont décidé d'empêcher par la force le Pélerinage au nom du bien de toute la Galaxie, et se révèlent soutenus par de mystérieux alliés.
Tandis que le Rêve Vivant, au désespoir de capturer le Second Rêveur, sombre dans une répression dictatoriale sur Viota, c'est Aaron, le mercenaire amnésique, qui découvre où se terrait Inigo. Mais de toute évidence, le messie disparu n'a pas terminé sa révélation. Et certains, dans le Grand Commonwealth, ne semblent pas vouloir qu'il la poursuive. Aaron pourra-t-il accomplir sa mission mystérieuse dont il ignore les futurs développements ? Qui est-il ? Et pour qui travaille-t-il ?
Ce deuxième tome met en place un grand nombre de ficelles narratives. L'envergure de l'intrigue, déjà perceptible dans le premier tome (The Dreaming Void, ou Vide qui Songe en français), se révèle ici dans toute sa complexité. On est bel et bien en présence d'un space-opera dont les enjeux sont ceux de l'ensemble de l'espèce humaine. Divisée en factions, celle-ci est tirée à hue et à dia entre les désirs de certains et ses engagements vis-à-vis d'autres espèces intelligentes. Les pressions contradictoires vont-elles déclencher la scission définitive entre les Highers et l'ANA d'une part, et d'autre part les Advancers et les humains ordinaires ? L'intérêt philosophique de cet ouvrage apparaît alors évident, car il ne s'agit de rien de moins que d'une réflexion sur les voies qui s'ouvrent pour l'évolution de notre espèce.
C'est déjà considérable, et pourtant, Peter F. Hamilton ne s'en tient pas à cela. L'histoire d'Edeard, l'homme qui, dans le Vide, a compris comment les lois physiques si particulières de cet univers artificiel peuvent être soumises par la volonté humaine pour rendre la vie parfaite, nous est racontée peu à peu, si bien que nous découvrons au fur et à mesure des éléments auxquels les personnages de l'intrigue principale se réfèrent avec régularité. La "perfection" à laquelle les fidèles du Rêve Vivant aspirent n'est révélée qu'à la fin du livre. Et cette "perfection", choquante, n'est pas sans évoquer la tragédie de Paul Atréides dans Dune. Car Edeard, au fond, se révèlera être le prophète du Vide tout comme Paul Atréides est celui d'Arrakis... Les rêves d'Inigo qui nous racontent le destin d'Edeard constituent en fait une "histoire dans l'histoire", un procédé littéraire à ma connaissance assez rare et utilisé ici avec maîtrise et puissance. En d'autres termes, on lit deux livres en même temps, et l'un d'entre eux influence les actions des personnages de l'autre. Le sens des échanges va-t-il s'inverser dans le troisième tome ? Il est permis de l'espérer. Comment réagirait Edeard, l'homme qui est déchiré entre ses conceptions morales et la terrible devise "parfois, il faut faire le mal pour faire le bien", s'il apprenait quelles sont les conséquences de la vie de perfection menée dans le Vide sur l'univers extérieur ?
La Trilogie du Vide se confirme donc comme un space-opera majeur, profond d'un point de vue philosophique, innovant d'un point de vue littéraire, et enfin divertissant. Il est bien difficile de savoir où Peter F. Hamilton se dirige : c'est très bon signe, et l'on s'attend donc à des révélations d'une grande envergure dans le troisième et dernier tome. Les personnages des rêves d'Inigo rencontreront-ils ceux du Grand Commonwealth ? Verrons-nous une confrontation entre Aaron et Paula Myo ? Il est permis de l'espérer.
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