Sunekeia - Le grand schéma
Hier, alors que je repensais à mon projet de roman Sunekeia, j'ai enfin réussi à formuler ce que je souhaitais depuis si longtemps.
Un roman de SF, et a fortiori un univers de SF, se doit de bénéficier d'un arrière-plan lui conférant une véritable profondeur. Il est "assez facile" (sous réserve, par exemple, d'un certain niveau de ce qu'il faut bien appeler culture) de concevoir un arrière-plan, et en ce qui me concerne, c'est chose faite depuis une petite dizaine d'années. Je sais que l'histoire de Sunekeia tournera autour d'une civilisation des temps futurs, celle de l'Ellada galactique, laquelle doit beaucoup à la Grèce de l'Antiquité. L'Ellada bénéficie d'une structure politique atypique. La majeure partie des gens vivent sous le régime de lois réprimant l'égoïsme et réfrénant la compétition - mais en contrepartie, cette majorité dispose d'une vie plus longue, bien plus longue que la simple normale humaine. Le reste est bien plus libre - mais ne bénéficie pas d'une longévité très accrue par rapport à l'ordinaire. Une civilisation où le grand espoir communiste, bien loin d'être combattu puis nié, serait apparu comme un recours. Une civilisation où il n'aurait pas été dévoyé. Une civilisation où l'on aurait pris acte du fait que certains ne souhaitent pas vivre dans une société sans classes, et où leur droit à l'existence aurait été reconnu - mais d'une façon telle que leurs jeux ne risqueraient plus de porter préjudice à ceux qui préfèrent vivre en construisant un autre monde.
Un monde parfait ? Non. Un monde parfait, c'est un monde sans souffrances. Et vivre selon les lois de l'Intégration n'a rien de facile pour ceux de l'Ellada galactique. Son emblème, à l'alpha et au trident, a beau représenter un immense espoir pour les masses réduites ailleurs en esclavage, il n'empêche que ses lois sont exigeantes. Certains les combattent, à l'extérieur comme à l'intérieur, parce que l'Ellada possède bien des ennemis : quelques-uns qui veulent s'emparer de ses richesses, de sa science et de ses talents ; d'autres qui par idéologie voudraient plutôt éliminer sa particularité politique ; et même certains qui la servent pour de mauvaises raisons. Car ceux de l'Ellada, malgré leur savoir et leurs talents, restent humains - et à ce titre, risquent de commettre le pire des égarements, à savoir, l'ubris selon lequel l'homme cherche à devenir l'égal des anciens dieux.
Voici quel est le décor général de Sunekeia, tel que j'ai fini de le planter après bien des années de travail. Mais cela ne suffit pas à faire un roman.
Depuis quelques temps, j'ai remarqué que les oeuvres d'imagination qui me fascinent le plus sont celles qui s'organisent autour de ce que j'appelle un "grand schéma" : un argument narratif qui se déroule tout au long de l'intrigue pour être résolu à la toute fin. De Fondation à la Trilogie du Vide en passant par Dune et Hypérion, il est clair que chacun de ces grands space-operas - tradition littéraire âgée d'une petite centaine d'années, à présent - s'organise autour d'un seul argument central et des contraintes que cet argument fait peser sur l'histoire d'une civilisation. L'existence de la psychohistoire, une science permettant de prédire le flux historique. La prescience et la perception du destin. L'émergence d'un "dieu-machine" dans un avenir lointain, concurrent et adversaire des philosophies et systèmes de pensée humains. L'utilisation abusive, par un univers artificiel dissimulé dans un trou noir, de la matière galactique. Le "grand schéma" peut être dissimulé au début du récit pour être dévoilé fil après fil, permettant ainsi à l'esprit du lecteur de formuler ses propres hypothèses. C'est en réalité une épine dorsale bien plus sûre qu'un "simple" arrière-plan, aussi détaillé soit-il. Car au fond, l'histoire que l'on veut raconter doit être crédible - mais elle doit aussi avoir un intérêt. Et si j'ai toujours eu envie de raconter cette histoire, je n'étais pas certain d'en détenir le "grand schéma".
C'est désormais chose faite. Je sais pourquoi je suis capable de raconter cette histoire.
Billet publié aussi dans l'Atelier.
C'est désormais chose faite. Je sais pourquoi je suis capable de raconter cette histoire.
Billet publié aussi dans l'Atelier.
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