Mon Empire pour un Cheval

Acheté au Salon du Livre de Creil il y a quelques semaines, le recueil La Vague de Corinne Guitteaud contient une nouvelle uchronique assez courte, que j'ai lue afin de lui consacrer une chronique séparée. Je verrai par la suite si je fais une critique pour chacune des autres nouvelles ou si je ne fais qu'un seul article pour l'ensemble du recueil.

Résumé :
En l'an -10.000 et quelques avant notre ère, des nomades venus du Kamtchatka ont traversé le détroit de Behring à la faveur d'une glaciation. Les tragiques difficultés du voyage ne les empêchent pas d'arriver dans ce qui n'est pas encore appelé "Amérique" avec un troupeau reproducteur de cet animal que nul là-bas n'a encore vu : le cheval... En 1492, Christophe Colomb aborde les côtes des Caraïbes et découvre, comme il s'y attend, les avant-postes d'un empire très organisé. Mais au lieu d'être celui du Grand Khan ainsi qu'il le croyait, il découvre qu'il s'agit d'une marche-frontière de l'empire maya, une civilisation très avancée qui contrôle la majeure partie des nations amérindiennes. L'empereur Qezitlan veut établir des relations commerciales avec l'Europe, si possible en mariant son fils Tezitloc avec la fille des Rois Catholiques, celle que l'on appellera Jeanne la Folle... Les monarchies européennes sont-elles condamnées à l'affrontement avec l'empire maya ?
Le renversement du paradigme historique proposé ici est rien moins qu'intéressant. Les mayas disposent d'une technologie plus avancée que celle des européens, ils possèdent aussi de meilleurs chevaux, et se retrouvent donc, à la suite d'un incident diplomatique, en situation d'envahir l'Europe. C'est l'occasion pour l'auteure de revisiter une partie de l'Histoire de notre continent, au début du XVIème siècle. On y retrouve un certain nombre de personnages historiques, et même d'événements bien connus puisque François Ier se retrouve à livrer en 1515 une version inattendue de la bataille de Marignan. Sous la pression technologique des envahisseurs, les ingénieurs européens, et en particulier le premier d'entre eux, à savoir Léonard de Vinci, font preuve de toute leur créativité. Il est permis de supposer que, dans cette Histoire alternative, l'âge des inventions arrivera plus tôt que dans la nôtre, même si Charles Quint finira malgré tout par gouverner un empire sur lequel le Soleil ne se couche pas...

C'est à ce genre de détails que l'on finit par ne plus bien saisir la conception historique de l'auteure. Pense-t-elle que le flux historique est dévié pour de bon à la moindre déviation ? Ou bien qu'il finit toujours par reprendre son cours d'une façon ou d'une autre ? Ajoutons à ceci l'orthographe de certains noms, et le choix des noms mayas qui sonnent plutôt nahuatl qu'autre chose... Voici le genre de détail qui gêne quand on lit de l'uchronie. De la même façon que certains détails gênaient, aussi, à la lecture d'Aquatica, un space-opera écrit de la même main.

Mon Empire pour un Cheval, malgré quelques imperfections, reste tout de même une nouvelle intéressante, et fort divertissante à lire, et mon seul vrai regret en fin de compte, c'est que le contexte ne soit pas plus développé, cet univers méritant à mon avis une exploration plus systématique.

Commentaires

Ferocias a dit…
La nouvelle uchronique est un exercice difficile car il faut construire un univers qui fait référence au nôtre tout en étant divergent sans perdre le lecteur et en plus lui proposer une histoire agréable à lire.
L'idée de l'auteur est intéressante et la narration bien menée.
Sans doute, le texte souffre-t-il d'être trop court (mais c'est le principe de la nouvelle).
Guillmot a dit…
Je croyais justement qu'il y avait bien eu passage de chevaux avec les premiers peuplements américains, mais que ce noble animal n'avait pas pris racine en Amérique avant l'arrivée des Espagnols. Mais comme le dit Ferocias l'exercice de l'uchronie est difficile !
Anudar a dit…
@Ferocias : oui, l'idée de base est intéressante et la narration compense assez bien les petits défauts du texte. Je dois dire que j'ai bien aimé cette lecture...

@Guillaume44 : sur ce coup-là, je n'en suis pas certain. A ma connaissance il n'y a pas eu de chevaux à l'actuel en Amérique avant la conquête...
Ferocias a dit…
@Anudar et @Guillaume44 Il semble que le cheval (son ancêtre Orohippus agilis ) vient d'Amérique, qu'il s'est répandu à partir de l'Asie et a disparu dans le Nouveau Monde avant de revenir avec les Européens.
Guillmot a dit…
C'est grosso modo ce que j'avais retenu, de manière générale les Protohippus, Mesohippus, Orohippus, Dinohippus viennent d'Amérique du Nord; je me souviens vaguement que les premiers peuplements sibériens ont ramené des chevaux dont on a retrouvé des traces archéologiques. Mais que ces animaux n'ont pas eu de descendance, laissant le champ libre aux chevaux hispaniques au 16ème. Cela ne change donc pas grand chose au bouquin ! Le point de divergence reste toujours une introduction réussie il y a 10.000 ans.

PS : ne tapez pas Equus sur google, si vous ne voulez pas voir Daniel Radcliffe à poil... :-|