Tron : L'Héritage
Tron, c'est un vieux film de SF sorti en 1982, qui est le premier de l'histoire à être composé à 90 % d'images de synthèse. Remarquable performance pour l'époque, qui ne gâche rien au fait que l'intrigue valait aussi le détour. Flynn est l'inventeur du jeu vidéo space-paranoid, un énorme succès des bornes d'arcade, dont il a été dépossédé par Dilinger, le concepteur d'un jeu d'échecs devenu le MCP (pour Maître Contrôle Principal), une intelligence artificielle déterminée à prendre le contrôle de toute l'infrastructure informatique mondiale. Le MCP détient les preuves de l'usurpation de Dilinger : Flynn décide alors de le pirater, aidé par Tron, le programme d'un concepteur ami. Percevant Flynn comme une menace, le MCP utilise un laser de téléportation expérimental pour le catapulter sur la grille, le monde virtuel en plein essor qu'il contrôle, afin de pouvoir l'éliminer à sa guise... Flynn découvre alors un monde dangereux, où les programmes ont le choix entre la soumission au MCP ou des jeux mortels dont bien peu reviennent en vie. Parmi ces derniers, Tron est le champion : il se bat pour la cause des concepteurs, les êtres humains que les programmes ne sont pas loin de considérer comme des divinités, mais dont le MCP cherche à éteindre jusqu'au souvenir. Flynn, bien malgré lui, s'est donc trouvé devenir le porte-étendard d'une révolution informatique.
Les dernières images du premier Tron me fascinaient quand j'ai découvert ce film pendant l'enfance. La grille austère et hostile découverte par Flynn change au moment de la disparition du MCP pour connaître une véritable floraison. De son côté, Flynn retourne dans le monde réel avec sa preuve... L'histoire est à présent ouverte et immense de possibilités, laissant imaginer que Flynn va revenir sur la nouvelle grille tôt ou tard. C'est en effet ce parti-pris qui est sélectionné en tant que fil d'intrigue du deuxième Tron, qui sort en France dans quelques jours mais que j'ai pu voir en avant-première hier soir...
Résumé :
Flynn disparaît en 1989 sans laisser de traces, laissant orphelins son fils, Sam, et Encomm, une puissante société de conception de logiciels. Vingt ans plus tard, alors que Flynn n'a plus donné signe de vie depuis sa disparition, un message est envoyé à partir de son bureau dans son ancienne salle de jeux... Sam se laisse persuader d'aller sur les lieux. Découvrant un bureau dissimulé derrière la borne d'arcade du jeu Tron qui a bercé son enfance, Sam essaie de savoir sur quoi travaillait son père au moment de sa disparition. Il a le souvenir, en effet, que Flynn parlait d'un miracle ce fameux soir où il l'a vu pour la dernière fois... Une fausse manoeuvre lui fait déclencher le laser de télétransportation récupéré jadis par son père, et Sam est envoyé sur la nouvelle grille qui fonctionne depuis plus de vingt ans sans la moindre intervention humaine... Flynn a-t-il été piégé là-bas ? Sam va-t-il parvenir à survivre dans ce monde qui lui apparaît d'une exceptionnelle cruauté ? Son père serait-il devenu un dictateur numérique ?
Cloo, l'avatar de Flynn, avait déjà fait une première (et courte) apparition dans le premier Tron. Les scénaristes ont choisi de le ressusciter pour en faire l'antagoniste principal. La motivation de l'ennemi reste la même depuis le premier Tron, à savoir, étendre son contrôle au monde réel en plus du virtuel, mais cette fois-ci, cet ennemi n'est plus de la même nature. Alors que le MCP, dans sa logique de domination, conservait une certaine parenté de pensée avec son concepteur Dilinger, Cloo quant à lui se rebelle contre Flynn qui est son créateur. Cela n'est pas sans laisser une impression d'image biblique, impression vite confirmée lorsque l'on découvre la nature du miracle évoqué par Flynn, et qui constitue à mon avis une véritable trouvaille scénaristique. C'est à ce point que j'ai décidé que Tron : L'Héritage est de la belle science-fiction, sans conteste possible, et je répugne à en dire plus afin de ne pas gâcher le plaisir des amateurs qui s'y rendront.
Belle SF, vous dis-je, qui est soutenue (ce qui ne gâche rien) par une image magnifique, austère et glaciale, qui évoque l'esthétique de Matrix tout en la renouvelant. Mais ce n'est pas tout, car le film est encore habité par une superbe bande-son, produite par Daft Punk. Les citations du premier film pullulent et on se trouve donc en terrain familier, sans que cela puisse gêner la compréhension de l'histoire pour les personnes ne l'ayant pas vu, les rappels faits au fur et à mesure étant suffisants, et les citations tenant parfois plus du clin d'oeil que d'autre chose. L'ambiance du premier film, avec ses précipices vertigineux et ses combats mortels, est cependant toujours présente. La nouvelle grille est donc tout aussi dangereuse et inquiétante que la première. Et comme cela ne suffit sans doute pas, les scénaristes se sont payés le culot d'insérer des citations d'autres oeuvres (cinématographiques ou non) entrées au patrimoine de l'imaginaire, comme vous pourrez vous en rendre compte lors du dialogue entre Sam et Cloo. A ce sujet, les connaisseurs de J.R.R. Tolkien (Le Seigneur des Anneaux pour ceux qui ne sauraient pas) auront-ils eu la même idée que moi lors de la scène de l'arrivée des ISO ? En d'autres termes, la forme comme le fond du film valent le détour.
Le film comporte cependant un certain nombre de petits défauts. Certains personnages importants (tels que ce fameux Castor, dandy propriétaire du club Fin de Transmission, autre clin d'oeil au premier Tron) me semblent trop peu exploités. Tout comme Cora, qui cache un mystère, et une fragilité derrière sa force. Le héros principal reste Sam, qui va prendre la relève de son père, et qui va pouvoir, sans doute, donner vie à son rêve, donnant tout son sens au titre du film. A la sortie duquel je n'ai qu'un seul regret : qu'il n'y en ait pas eu deux volets afin de donner à cet univers toute l'ampleur qu'il aurait méritée...
Commentaires
Le rendu est magnifique à l'image. Le son également. Image + son = 10/10. Rien à redire.
Par contre il n'y a aucun suspense. On sait d'office comment ça va se terminer, comment les personnages vont "évoluer" (en réalité il n'y a aucune évolution ni même de question à se poser sur les personnages).
Les gentils contre les méchants. Du Disney. Aucune ambiguïté. C'est ce qui m'a vraiment déçu dans ce film qu'on nous annonçait comme LE film de l'année. Pour moi il manque cruellement de profondeur.
Ghanima.
@Doris/Ghanima : tu sais, la notion de suspense a beaucoup changé. On ne se demande plus maintenant si les gentils vont réussir à sauver le monde, on se demande combien d'entre eux vont survivre. C'est en ce sens qu'il y a quand même un peu de suspense dans ce film :P. Bon je me fais l'avocat du diable, là...
Par contre, je ne te rejoins pas sur ton analyse du manque de profondeur. Comme dit dans l'article, j'ai été emballé par cette histoire d'ISO, qui m'évoque l'hypervie inventée par Dan Simmons dans les "Cantos d'Hypérion"...
Du coup cela me donne envie de le revoir, histoire de voir si la magie opèrerait à nouveau.
@Efelle : pourquoi ne pas aller le voir au cinéma ? C'est un excellent spectacle.