Treis, Altitude zéro
De Norbert Merjagnan, j'avais lu (à l'Eté 2009, c'est-à-dire avant de commencer à tenir mon blog) Les Tours de Samarante, un (premier, à ce qu'il semble) roman de SF à tout le moins très déroutant même si fort intéressant. Je dois avouer que j'avais mal compris le propos de l'auteur, trouvant même que le livre se finissait en "queue de poisson". Mais en fait, c'était un peu normal : il s'agissait de l'ouverture d'un cycle (une... trilogie) dont voici le deuxième tome.
Résumé :
A Samarante, Oshagan a été capturé. Il est toujours en position de quelques-unes de ses armes climatiques, reliques de la Seconde Antiquité. Cinabre, la préfigurée capable d'absorber les souvenirs des autres et de percevoir les avenirs possibles, est emmenée avec lui vers Treis, la cité-mère : dans sa vision, elle voit que sa place est à Samarante avant que celle-ci ne soit ruinée. Triple-A, qui a escaladé l'une des tours de Samarante, tombe aux mains de deux biogénéticiens qui voient en lui, peut-être, une étape vers le Seuil. Car dans cent treize ans, l'humanité donnera naissance à la Creatura, et donc à la post-humanité... A l'Est, la très puissante civilisation machiniste de Borgs prépare la guerre. A Treis, les intrigues vieilles de décennies vont trouver leur terme. Il faut gagner du temps avant que la nuée des machines de Borgs ne déferle à travers la frontière. Une fois de plus, le destin d'Oshagan, de Cinabre et de Triple-A va se jouer à Samarante... Pourront-ils empêcher sa chute ?
S'il fallait le chroniquer en une phrase, celui-là, ça serait par celle-ci : en voilà de la belle science-fiction.
Histoire de se montrer plus spécifique, je dirais que le retour en ce monde bizarroïde (où le calendrier ne s'égrène pas en années après quelque chose, mais en années avant un mystérieux Seuil vers la post-humanité) se passe sans trop de difficultés. Même si cela reste déroutant et si les concepts, sans doute mal intégrés par moi lors de ma lecture du premier tome, sont restés obscurs pendant une bonne partie du voyage. Un glossaire, à la fin, vient fournir quelques explications complémentaires et pourtant, toujours fragmentaires, montrant toute la richesse de l'imagination qui a conçu cet univers sans trop en dévoiler. Un peu comme le lexique de Dune, en fait.
Il s'agit d'une obsession chez moi, direz-vous... mais oui, ce livre est sans nul doute très dunien dans son traitement et dans ses thèmes. Une écriture aussi soignée que sûre. Une intrigue conçue avec grand soin, sans artifices théâtraux et présentant pourtant un véritable retournement final. Un monde aride, dévasté par une catastrophe écologique mal comprise de ses habitants, aux mains de factions hostiles les unes aux autres. En fin de compte, une oeuvre qui m'apparaît très dunienne, oui, dans ses postulats et ses implications... L'un des thèmes majeurs de Dune, à savoir, celui de la prophétie assistée par la génétique, s'y trouve même représenté par re-visitation. Profondeur philosophique d'un monde où l'idéologie se mêle à la politique. Cet univers correspond assez bien à la vision que j'aurais d'un univers pré-butlérien...
Un livre qui m'apparaît dunien et qui, pourtant, reste d'une originalité fondamentale. Maints thèmes récents y sont explorés. En 2011, le danger n'est plus tant l'émergence d'intelligences artificielles que celui d'une post-humanité aux pouvoirs quasi-divins... à moins que les post-humains ne soient déjà parmi nous ? Voici la leçon magistrale de science-fiction administrée par Norbert Merjagnan, à travers un livre difficile, inquiétant, et pourtant, et donc, tout à fait nécessaire.
Voir aussi l'avis de Gromovar (non relu avant de faire cette chronique, et que je lie les yeux fermés).
Commentaires
J'ai linké ton post.
Toi, tu penses au challenge :) ... A mon avis, on devrait pouvoir le classer parmi les planet-operas. Tu en penses quoi, Gromovar ?
Reste à voir la suite...