Ward
Voici ma lecture d'un livre étonnant, Ward par Frédéric Werst, sur lequel mon attention a été attirée par mon père.
Une fois n'est pas coutume, je ne ferai pas de résumé en bonne et due forme de ce livre, pour la raison bonne et simple qu'il ne s'agit pas d'un texte suivant un fil directeur, mais d'un ensemble de morceaux choisis de la littérature du peuple des Wards. L'auteur a sélectionné, pour la période concernée (les deux cents premières années après la conversion du roi Zaragabal au culte du dieu unique Parathôn), un corpus d'extraits de poèmes, d'oeuvres en prose, de traités philosophiques ou scientifiques et même de fragments liturgiques. L'ensemble apporte un éclairage original sur la civilisation des Wards et l'histoire politique de leur royaume, permettant à l'auteur de montrer que l'Histoire est indissociable d'une culture et donc - à la base - d'une langue, le wardwesân. Les textes présentés le sont sous forme de traduction française, le texte en langue originale étant proposé en regard. Une grammaire et un lexique se trouvent à la fin du livre, complétant une somme de connaissances indispensable au néophyte comme à l'expert.
L'ennui, c'est que le wardwesân n'existe pas, et que le peuple Ward, sa culture, son Histoire, son royaume et sa religion non plus, de ce fait.
Il y a quelques années, j'avais lu La Gloire de l'Empire, un roman de Jean d'Ormesson où l'auteur imaginait l'Histoire d'un Etat fictif prenant ses racines dans l'Antiquité puis, au terme d'une profonde décadence, arrivait aux mains de l'Empereur Alexis, émule d'Alexandre le Grand dont il était appelé à parachever l'oeuvre. Dans ce Moyen-Âge de fiction, l'Empire finissait par s'étendre - soutenu par les hordes barbares - de l'Europe occidentale jusqu'à la Corée, avant de s'effilocher à nouveau et pour de bon. Ici, la performance de Frédéric Werst est semblable même si elle repose sur un postulat différent. Là où Jean d'Ormesson s'amusait à insérer son Histoire fictive dans la vraie - transformant ses personnages en véritables mythes d'envergure mondiale - Frédéric Werst, lui, construit une véritable fiction à partir de l'invention de la langue des Wards. N'étant pas linguiste, je ne saurais dire si le wardwesân est une langue artificielle digne de ce nom. Néanmoins, et tout comme le quenya de Tolkien, le wardwesân est un personnage à part entière dans ce roman - et peut-être même le seul, tous les autres (du roi Zaragabal aux philosophes en passant par les artistes, voyageurs et hommes de science) n'apparaissant qu'à travers des extraits parcellaires. Deux petites cartes présentées au début du livre peuvent servir de point d'appui au lecteur qui perdrait de vue la cohérence de cet univers.
Car la construction, bien que surprenante, et même déroutante, reste stable et cohérente. A tel point que l'on en vient à saluer la performance, bien que celle-ci ne soit pas sans laisser le lecteur perplexe. Inventer une langue est une véritable prouesse, y compris pour un linguiste... Au-delà de la prouesse, je crois qu'il n'y a pas beaucoup plus à dire de Ward. C'est somme toute une oeuvre d'érudit sur une civilisation qui n'a pu disparaître puisqu'elle n'a pas existé. A lire par curiosité. Nous verrons bien si l'auteur réutilise le wardwesân dans d'autres oeuvres, à l'avenir...
Commentaires
voici Ward. Bravo.
Eh oui, meme si je lis beaucoup de SF, je ne lis pas que de ça ;) ...