Sa Majesté des Clones
J'aime beaucoup le Sa Majesté des Mouches de William Golding. Pour les ceusses qui ne connaîtraient pas, outre "honte à vous", il me faut dire qu'il s'agit d'un roman souvent considéré comme étant à destination du jeune public alors que ce n'est pas tout à fait vrai. Imaginez que pendant un conflit militaire (peut-être la Seconde Guerre Mondiale, à moins que ce ne soit la Troisième), un avion chargé de jeunes passagers anglais s'écrase sur une île déserte. Lorsque les rescapés se rassemblent, c'est pour découvrir qu'il n'y a plus d'adultes. Vous êtes-vous déjà demandé ce qu'il se passerait si vous laissiez à eux-mêmes quelques dizaines de garçons âgés de six à treize ans ? Lisez Sa Majesté des Mouches et vous aurez une idée de ce que pourrait arriver. Entre les tentatives pour construire un noyau de civilisation et les peurs de l'enfance qui semblent se concrétiser quand la nuit tombe sur l'île, voilà que les jeunes survivants hésitent dans la zone grise qui sépare l'humain de l'inhumain. Certains n'y survivront pas. Il s'agit d'un roman très pessimiste sur la nature humaine, et l'un des rares accessibles au jeune public à retirer peu à peu toute forme d'innocence à ses jeunes personnages. Sans trop de surprise, l'oeuvre à sa sortie déplut à bon nombre de directeurs de conscience critiques. Sans trop de surprise non plus, on la reconnaît de nos jours comme un classique de la littérature mondiale.
Jean-Pierre Hubert nous propose ici, en quelque sorte, une réécriture dans un contexte space-opera de Sa Majesté des Mouches. Et ça ne manque pas... de piquant.
Résumé :
L'espèce humaine prospère sur la périphérie de l'ancien empire des Zarks, une civilisation extraterrestre disparue depuis des millions d'années. Au centre du dominion disparu, les Arachnos (des extraterrestres ressemblant à des araignées géantes, comme leur nom l'indique) ont récupéré la majeure partie des ressources scientifiques des Zarks. Terriens et Arachnos, dans l'incapacité de se comprendre, se font la guerre. Dans le système de Gemini, une station-école est assaillie par un croiseur Arachno. Seule une vingtaine d'enfants parviennent à s'échapper à bord d'une navette... et s'écrasent alors sur une planète mystérieuse, dont le climat les prive bientôt de tout espoir d'appeler au secours. Des dissensions apparaissent bientôt entre les jeunes naufragés... Vont-ils pouvoir survivre ? Sont-ils seuls ?
La parenté entre ce roman et son illustre prédécesseur est assumée jusque dans le titre. La structure de l'oeuvre, le choix de certains noms, et même deux phrases de citation (une au début et une à la fin de l'oeuvre, le prologue et l'épilogue étant non compris) s'inspirent aussi de Sa Majesté des Mouches. Les connaisseurs de l'oeuvre de Golding seront donc en terrain connu. Les morts ne manquent pas dans cette histoire, même s'il n'y en a pas tant et même si les assassinats n'ont pas cette espèce de ritualité pour le moins effrayante de l'oeuvre originale.
Jean-Pierre Hubert fait en effet le choix de mettre de côté les concepts d'ordre spirituel qui transparaissent, dans l'oeuvre de Golding, à travers les fantasmes cauchemardesques des jeunes personnages. Il faut bien dire que les Arachnos constituent, en soi, une belle façon de cauchemarder sans avoir besoin d'en recourir à des fantômes et autres "bêtes". Le retournement final (avant épilogue) est d'ailleurs très, très bien trouvé, une belle réinterprétation - dans ce contexte angoissant - de la scène finale de Sa Majesté des Mouches. Moins convaincantes, à la limite, sont les scènes décrites dans le prologue et l'épilogue, passages sans équivalents dans l'oeuvre initiale. Mais ce n'est pas assez pour faire de ce livre un mauvais livre.
En fin de compte, un roman fort intéressant, qui se dévore en même pas deux heures, à mettre entre toutes les mains... même si je recommande d'avoir lu celui de Golding au préalable.
Commentaires
Ceci dit cette réécriture pique ma curiosité (j'en avais déjà lu une de Peter Pan par Fabrice Colin dans la même collection)
@Calenwen : merci, au fait, pour le tuyau, je vais me renseigner sur le livre dont tu parles. J'aime beaucoup le "Peter Pan" de James Matthew Barrie.