Mars aux Ombres Soeurs

Troisième livre prêté par mon ancien professeur de SVT, il se qualifie à la fois pour le SSWEV (c'est un planet-op' se déroulant neuf siècles après la terraformation de Mars) et pour le Défi Martien (pour d'évidentes raisons).
Résumé :
Dans le futur, un homme qui vit dans une base souterraine, sur Mars, conçoit la grande épopée des temps à venir. Il raconte l'histoire de Narcisse, l'hermaphrodite, frère/soeur et amant de Cléopâtre, et de la guerre statutaire qu'il déclare à Michaël et à sa compagne Snow. Sur Mars, neuf siècles après la terraformation, deux clans rivaux s'opposent : Narcisse et Michaël sont des figures majeures de chacun des deux clans. La déesse Vénus elle-même, dévorée par son désir pour Narcisse, et rancunière envers Michaël, va prendre parti. La guerre entre les bons-vivants et les pisse-froid ne risque-t-elle pas d'embraser Mars toute entière ?
Ce livre a recours à  une technique d'écriture peu ordinaire, à savoir celle de la fiction dans la fiction. Le gros de l'histoire, et donc ce qu'il convient de critiquer, doit être considéré comme le fruit de l'imagination d'un personnage racontant la préface à la première personne, dans un futur "proche" qui correspond aux premières étapes de la terraformation de Mars. On se doute que les péripéties qu'il raconte (son accident, son sauvetage par un "Héros" de la colonisation, la disparition tragique du "Héros en Second") sont à l'origine de l'intrigue racontée dans tout le reste du livre.

Et donc, passé la préface très allusive, pas très claire, on tombe dans un univers ultra-baroque, où Mars est devenue la tanière d'une humanité tendance post-humaine option libertinage. Les hermaphrodites, stériles, couchent aussi bien avec les hommes qu'avec les femmes. L'esthétique du Japon pré-Meiji semble prédominante, les "nobles" s'entourant de samouraïs et les geishas courant les rues. Enfin, toute une bande de divinités féminines occupe Nix Olympica, un cratère géant, où elles peuvent observer à leur guise les êtres humains qui vivent ailleurs, le panthéon gréco-romain n'étant pas jaloux puisqu'Athéna, Junon et Vénus y côtoient en bonne intelligence (?) Amaterasu et Kali... Un univers dans lequel le verbiage philosophisant à l'extrême, c'est-à-dire, incompréhensible, est suivi de scènes d'action dont la cruauté semble vouloir en disputer à celles de l'Iliade. Et partout l'art, l'art, l'art, que dis-je, l'Art, l'Art, l'Art, qui devient moyen et fin, source et embouchure. Pour ne pas dire : bonde et robinet de lavabo.

De ce divertissement verbeux (l'auteur est, d'après la quatrième de couverture, "un poète d'origine anglaise qui vit aux Etats-Unis" : ah !), que retenir ? Somme toute pas grand-chose. L'ambiance m'évoque un peu celle du Cycle de l'OEcumène d'Or de John C. Wright, pour son aspect baroque et pour cette idée d'une humanité assistée en permanence par des intelligences artificielles ou post-humaines. Mais il n'y a là-dedans pas d'enjeu véritable sinon peut-être, sans doute, la volonté de réaliser une performance littéraire en hommage aux aèdes grecs. A ce titre, l'opposition entre Michael/Athéna et Narcisse/Aphrodite me semble caractéristique, une façon comme une autre de rejouer la rivalité dans l'Iliade.

Pour moi, c'est un OLNI : un Objet Littéraire Non Identifié. Un truc venu d'ailleurs. Je ne dirai pas qu'il aurait mieux fait d'y rester, ça serait méchant : je serais curieux de savoir l'avis d'autres lecteurs à ce sujet.

Commentaires