Histoires de Mondes étranges
Dans la série de La Grande Anthologie de la Science-Fiction, voici un autre volume très orienté planet-op'.
- Cela commence par une courte préface de Gérard Klein, qui propose comment subdiviser les "mondes étranges" qui sont en question dans ce volume. Il propose en quelque sorte un "jeu des cinq familles" entre les mondes étranges pour des raisons d'artificialité, physiques, écologiques, sociales ou systémiques (les deux dernières, à mon sens, pouvant se recouper).
- Odyssée martienne, Stanley Weinbaum : une brillante nouvelle de planet-op' martien, où un explorateur en rade sur Mars aide un indigène à se tirer des griffes d'un prédateur, avant de faire un bout de chemin avec son étrange compagnon et de découvrir des formes de vie différentes lui permettant de relativiser la notion d'intelligence. En particulier, le passage concernant l'animal produisant les pyramides en silicium est fascinant.
- Rendez-vous avec Méduse, Arthur C. Clarke : un pilote de dirigeable qui s'exerce au-dessus du Grand Canyon avant d'aller visiter l'atmosphère turbulente de Jupiter. L'auteur de la série démarrant avec 2001, l'Odyssée de l'Espace nous gratifie d'un récit à tendance hard-science et un peu plat, où il nous ressert des considérations tournant autour de la vie dans le ciel de Jupiter et l'intelligence artificielle. Mieux vaut lire 2001 et 2010. Le titre est-il une référence des traducteurs à Rendez-vous avec Rama ?
- La Fin de l'Hiver, Algis Budrys : Lew et Norah Hervey sont portés disparus et un équipage vient à leur recherche sur un monde gelé. Ils découvrent des paysages dantesques où ils ont l'impression de voir, du coin de l'oeil, des formes venir les menacer... Une nouvelle inquiétante et dont le moment le plus glaçant est peut-être la dernière phrase.
- Icy, il doit y avoir des Tigres, Ray Bradbury : pas de faute d'orthographe dans ce titre, il s'agit d'une ancienne orthographe du mot "ici" et c'est une façon de reproduire l'effet du titre anglais. L'homme des Chroniques martiennes propose ici une nouvelle un peu dans la même veine, où des hommes découvrent une planète très accueillante... peut-être même trop accueillante ? La comparaison finale entre la planète et une femme cherchant à se faire aimer apparaît très poétique.
- Bucolique, A. E. van Vogt : la Forêt domine un territoire immense mais se trouve à l'étroit dans ses frontières, délimitées par la présence de deux autres forêts voisines, tout comme elle intelligentes et déterminées à conquérir leur place au Soleil. Un jour se présente un vaisseau émettant des flammes d'une chaleur inhabituelle. Comment la Forêt pourra-t-elle transformer la menace en atout dans son combat éternel contre ses rivales ? Une des rares histoires de végétation intelligente que j'aie trouvé crédible, et l'une des meilleures, aussi.
- Les Altruistes, Idris Seabright : on raconte que les Slurbs de la planète Skös ont une véritable vocation de larbins. A tel point qu'il est interdit de se poser sur leur monde. Malcolm Knight, souhaitant bénéficier de leur altruisme, simule un atterrissage en urgence et va prendre ses quartiers dans un village slurb. Mais pour quelle raison les indigènes montrent-ils tant d'empressement à le satisfaire ? A nouveau une histoire inquiétante et dont la chute finale peut laisser un peu mal à l'aise.
- Conquête, Anthony Boucher : les Géants vivent bien tranquilles sur leur planète jusqu'au jour où le premier vaisseau d'exploration humain atterrit. A bord, deux hommes, une femme et un chat. Le scientifique de bord est déterminé à établir le premier contact, mais les Géants, bien que de toute évidence intelligents, ne semblent pas très intéressés. Comment faire pour préparer le terrain pour les êtres humains appelés à venir plus tard ? Une solide dose d'humour noir dans cette nouvelle, et qui peut soulever de vraies questions : ne dit-on pas que le chat est l'animal qui a domestiqué l'homme ?
- Votre Amour haploïde, James Tiptree Jr : sur Esthaa, les habitants humanoïdes veulent être incorporés au plus vite à la Fédération Galactique. Ils souhaitent rattraper leur retard scientifique. Deux enquêteurs, Ian et Pax, viennent pour identifier leur degré d'humanité. Ian, le biologiste, est troublé : pourquoi les Esthaans n'ont-ils pas développé l'obstétrique ? Pourquoi vouent-ils un tel mépris aux Fenns, cette peuplade famélique vivant dans l'intérieur des terres ? Cette nouvelle, fondée sur une hypothèse de hard-science tout à fait valable, ne manque ni d'intérêt ni de saveur.
- Bienvenue dans le Cauchemar classique, Robert Sheckley : Johnny Bezique découvre un jour la planète Loris, peuplée d'êtres semblables en tout point aux êtres humains, mais dont l'avance technologique n'a d'égale que leur pacifisme. La Terre ne risque-t-elle pas d'être colonisée, pour son propre bien, par les Loriens ? Voilà une nouvelle assez amusante, dont le retournement final n'en est pas un, tout compte fait.
- Quand les Ténèbres viendront, Isaac Asimov : on ne présente plus cette nouvelle d'Asimov, présente par ailleurs dans plusieurs anthologies. Une planète située dans un amas stellaire qui ne connaît de ce fait jamais la nuit, sauf à de grands intervalles. A chaque fois, l'apparition des Etoiles mythiques s'est traduite par une destruction de la civilisation... Ecrite en 1941, revue en 1968, il s'agit de l'un des chefs-d'oeuvre du Bon Docteur.
- Ni les Îles de Calcaire qui volent dans le Ciel, R. A. Lafferty : une histoire bizarroïde avec des îles qui volent à quelques kilomètres d'altitude... Je n'y ai pas compris grand-chose et j'avoue ne pas bien savoir ce que cette nouvelle fait dans ce volume de l'anthologie.
- Un Billet pour Tranaï, Robert Sheckley : déjà présent dans le même volume de l'anthologie avec Bienvenue dans le Cauchemar classique, Sheckley nous propose ici une histoire d'utopie. Marvin Goodman (rien que le nom est un délice en soi !) veut se rendre à Tranaï, la planète qui se trouve au-delà du Tourbillon Galactique et que l'on appelle aussi la Bienheureuse. Il paraît que Tranaï est la planète du bonheur. Arrivé sur place après bien des efforts, Marvin découvre que Tranaï est en effet une planète conforme en tout point à ce qu'il attendait. Sauf qu'il s'avère peu à peu que sa façon d'être heureux n'est pas tout à fait compatible avec les institutions de sa planète d'accueil... A nouveau, un humour tirant parfois un peu sur le noir, avec l'une des meilleures nouvelles du recueil.
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