Le Preneur d'Âmes
Nouvelle lecture dans le cadre du Défi Frank Herbert que j'organise avec ce roman qui, disons-le d'emblée, m'est apparu à part dans l'oeuvre du Maître telle que je la conçois...
Résumé :
David Marshal a treize ans. Son père l'envoie dans un camp de vacances, quelque part à la frontière canadienne, à proximité d'anciennes terres indiennes. L'un des instructeurs est un Amérindien connu sous le nom de Charles Hobuhet, mais ce que ni les enfants ni les responsables du camp savent, c'est qu'après que sa soeur se soit suicidée après avoir été violée par des bûcherons blancs, Hobuhet ne répond plus à ce nom. Il est devenu Katsuk, "le Centre", et veut ramener l'équilibre sur une terre meurtrie par l'homme blanc. Afin de racheter le sang versé par les envahisseurs, il lui faut tuer un innocent et son choix se porte sur David. Or, il ne suffit pas de tuer l'Innocent : il faut le faire en respectant un rituel pour satisfaire Preneur d'Âmes - et en particulier, David ne sera pas tué avant de l'avoir demandé...Il s'agit plus là de ce que je pense pouvoir appeler un thriller que de SF au sens strict. Les quelques phénomènes en apparence magiques peuvent tout au plus s'expliquer par la faim et l'imprégnation culturelle de leurs témoins. Le Maître utilise avec talent ce biais pour nous donner à voir l'affrontement de deux psychés, celle de David et celle de Katsuk, celle de l'Innocent et celle de Preneur d'Âmes, celle de l'homme blanc et celle de l'amérindien. Ici, David ne cesse d'apprendre de son ravisseur et il finit par développer pour lui une forme d'affection qui me semble aller au-delà du syndrome de Stockholm. Mais de ce fait, il entre dans le jeu de Katsuk sans trop même s'en rendre compte : il se coule dans le rôle de l'Innocent et le moindre de ses actes le conforme au modèle voulu par son ravisseur.
L'Histoire des relations entre les Amérindiens et les Européens (au sens élargi : les Américains, qu'ils le veuillent ou non, ne sont pas des Américains mais bel et bien des Européens) est faite de malentendus. Ici, Katsuk affirme à David qu'il ne le tuera pas tant que celui-ci ne le lui aura pas demandé. Pour David, cela possède une signification nette et il finit par ne plus s'inquiéter de son destin. Pour Katsuk, cela veut dire cependant autre chose : l'Amérindien distingue le langage-corps de celui de la parole. On perçoit donc un danger pour David et la tension monte : l'adolescent va-t-il, à son corps défendant, donner à Katsuk le signal que celui-ci attend ? Et pourtant, c'est bel et bien par la parole que cette situation se règle à la fin...
Dans ce roman plutôt étrange, le Maître fait une fois de plus preuve de son goût pour les jeux de langage et de pouvoir. Une oeuvre qui, si elle n'est pas dunienne, s'inscrit d'une façon très originale dans le corpus herbertien...
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