Métropolis

J'ai eu la possibilité, hier soir, de voir au cinéma la version longue du film de Fritz Lang. J'ai déjà eu l'occasion ici de parler de ce film et de son histoire tourmentée : long film muet, en noir et blanc, datant de la fin des années 1920, dont les copies intégrales ont été perdues au fil des ans et en particulier à la faveur de la Deuxième Guerre Mondiale, on en connaît le synopsis complet grâce à la partition. Il y a quelques années, une copie endommagée, au format 16 mm, a été retrouvée à Buenos Aires : elle contenait des passage que l'on croyait perdus depuis soixante ans... Restaurée, la "version longue" de Métropolis - longue et pourtant toujours incomplète - est à présent accessible au grand public. Occasion d'un retour dans un univers dystopique...
Résumé :
Une ville des temps à venir, Métropolis, dresse vers le ciel ses orgueilleux immeubles où la lumière ne s'éteint jamais. Au sommet du plus haut d'entre eux, la Nouvelle Tour de Babel, règne Joh Fredersen, l'homme qui a conçu la ville et dont le cerveau anime sa création ; aux enfants de Métropolis, il a offert les splendides jardins du Club des Fils - là où ils peuvent vivre dans l'oisiveté indolente de la culture, du sport et des jeux de l'amour... De la jeunesse de Métropolis, Freder, le fils du cerveau de la ville, est le plus joyeux, le plus brillant - et le plus courtisé. Mais la magnifique invention de Joh Fredersen est construite sur un mensonge... Sous terre, une autre ville abrite les ouvriers dont le labeur épuisant anime et illumine les immeubles du monde d'en haut : livrés aux machines pendant d'épuisantes journées de dix heures, ils s'enfoncent dans le désespoir et la résignation et meurent à la tâche bien qu'ils soient les mains de Métropolis. Une rencontre fortuite va conduire Freder à ressentir, et à comprendre, la souffrance des ouvriers. Qui est Maria, cette jeune femme qui semble détenir le secret allégorique des origines de Métropolis ? Pour le savoir, Freder va devoir s'infiltrer dans les salles des machines... Ce qu'il ne sait pas, c'est que son père ne souhaite pas le voir prendre le parti des ouvriers. Afin de détruire Maria, il va rechercher l'alliance de Rotfang, le savant que son amour pour Hel, épouse de Joh Fredersen, mère de Freder, a rendu fou. L'être-machine, contrefaçon d'être humain, va-t-il être la cause de la destruction de Métropolis ?
Il est bien difficile de parler de Métropolis. Sans nul doute manque-t-il, de nos jours, des clés pour comprendre le propos exact de Fritz Lang. L'argument du film ("Entre le cerveau et les mains, le médiateur doit être le coeur") peut apparaître bien tiède. Sans doute ne l'était-il pas à l'époque où l'oeuvre originale est sortie : n'oublions pas qu'alors le monde sortait à peine d'une guerre terrible qui avait accouché, à l'Est, d'un régime censé être dirigé par ses travailleurs, une évolution historique inattendue qui n'était pas sans inquiéter en Europe et ailleurs. On a vu, par ailleurs, ce que l'Allemagne nazie a fait, quelques années plus tard, de ce généreux argument : ce n'est sans doute pas un hasard si les dirigeants nazis ont semble-t-il apprécié ce film. Sans nul doute y voyaient-ils un merveilleux instrument de propagande.

Au-delà de ces considérations historico-politiques, je trouve un peu culotté de présenter Métropolis comme le "plus grand film de science-fiction de tous les temps". Par définition, les oeuvres de SF peuvent être considérées comme, à la rigueur, "la plus grande oeuvre de SF jusqu'alors" - à l'exception notable de Dune, bien sûr, qui vient confirmer cette règle. Je reconnais volontiers à Métropolis un statut d'oeuvre visionnaire. Fritz Lang a en effet très bien perçu les évolutions à venir de l'urbanisme : comment ne pas voir en Métropolis une ville de New York enflée jusqu'à la démesure ? Et que penser de cet "être-machine" si inquiétant, capable de prendre l'apparence humaine à tel point que l'on peut s'y tromper ? A tel point que l'on peut même éprouver des sentiments lubriques à son égard ? Enfin, la scène de l'hallucination de Freder, où la "machine-M" se change en Moloch dévorant les enfants de la civilisation industrielle, pourrait même s'apparenter à de la prescience

En fin de compte, que retenir de Métropolis ? Sans doute cette oeuvre est-elle intéressante, de nos jours, plus pour son caractère poétique et moins pour sa philosophie sous-jacente, optimiste et bien trop facile à détourner. Il n'en reste pas moins que ce film est l'un des grands films de SF de l'Histoire du cinéma et qu'il a influencé, j'en suis sûr, bon nombre de créations en devenir : à ce titre, on ne peut le tenir pour quantité négligeable...

Commentaires

Tigger Lilly a dit…
Faut que je vois ce film, il est trop incontournable.