Le grand Bluff
Suite et fin de la saga Millecrabe de PJ Herault avec ce troisième tome dont la couverture trahit peut-être un peu plus qu'il ne faudrait au sujet du "grand bluff" éponyme...
Résumé :
L'Europe a mis au jour, et révélé au monde entier, le monstrueux plan d'extermination rêvé par les racistes au pouvoir en Chine. La Fédération reste pourtant sans alliés sur les champs de bataille : la Chine est un ennemi très puissant et les Etats-Unis pensent qu'ils pourront, après la guerre, imposer leurs volontés à un vainqueur épuisé - quel qu'il soit... Le IVème groupe d'armées chinoises est cependant désormais encerclé en Sibérie : les stratèges européens s'attendent à une attaque monstrueuse, destinée à percer le front à Moscou et prendre enfin Kiev, la capitale de la Fédération. Edouard Meerxel, le Président européen, voit cependant plus loin : l'heure approche où la Chine elle-même sera envahie, mais quel prix va encore coûter la fin de la guerre ? A moins qu'il n'existe un moyen de détacher une bonne fois pour toutes la population chinoise fanatisée de son gouvernement...La Chine du PURP, dans cette uchronie, ne se contente pas d'être une image de l'Allemagne nazie. Voilà qu'elle se met à ressembler de plus en plus au Japon impérial Showa, ses forces armées soudain coupées en deux, et son avenir sous la menace de l'arme nucléaire dont les Européens s'apprêtent à faire la démonstration. La "seconde guerre continentale" présentée ici ne ressemble pourtant que d'assez loin à la Seconde Guerre Mondiale : c'est un conflit très limité à l'Eurasie, même si quelques escarmouches auront lieu en mer ici ou là. Pourtant, elle présente avec son homologue historique des points communs d'importance : toutes deux sont perçues comme étant le conflit le plus terrible jamais connu par l'espèce humaine, toutes deux sont fondées avant tout sur l'agression par un régime raciste et toutes deux prennent fin avec la mise au point de l'arme nucléaire. Le tempo de ce troisième tome est assez rapide : entre intrigues politico-diplomatiques, accrochages aériens et combats de blindés m'évoquant la Bataille de Koursk, on n'a pas trop le temps de s'endormir.
Cette saga se termine cependant d'une façon que j'ai trouvée assez peu convaincante. Le soulèvement final du peuple chinois m'apparaît un peu trop facile à invoquer. Dans notre véritable Histoire, ni les Allemands ni les Japonais ne se sont soulevés contre leurs gouvernements à la fin du conflit. On m'objectera que ni l'un ni l'autre n'a été mis sous l'explicite menace de l'arme nucléaire, comme c'est le cas des Chinois dans cette uchronie. Je répondrai que l'on a toujours tendance à mésestimer la volonté jusqu'au-boutiste d'un adversaire fanatisé : pour moi, il n'y a rien d'évident à ce que le "grand bluff" du Président Meerxel ait pu réussir. Il est vrai que l'auteur cherche ici surtout à démonter l'idée selon laquelle le gouvernement américain a choisi d'utiliser l'arme nucléaire contre le Japon afin de mettre fin à la guerre en économisant les morts qu'aurait nécessité une invasion générale de l'archipel : en réalité, l'objectif des Etats-Unis était bel et bien d'éviter un concours de l'Union Soviétique tout juste entrée en guerre à l'occupation du Japon, et pour cela, il fallait mettre fin au conflit aussi vite que possible. En ce sens, le "grand bluff" présenté dans cette uchronie peut correspondre à une intéressante alternative historique. Le livre se conclut par un aperçu de l'après-guerre, où les protagonistes principaux se retrouvent sur l'île de Millecrabe et comptent leurs morts. La question est posée d'un avenir plein d'incertitudes, avec entre autres une Chine à occuper. C'est l'occasion aussi pour les personnages de se livrer à de véritables monologues d'une page voire plus, une tendance déjà observée auparavant mais qui se généralise et qui finit par lasser...
Millecrabe est donc une gigantesque scène historique fort bien pensée, fort bien menée malgré une fin peut-être un peu décevante. Je ne regrette pas d'avoir consacré de mon temps à cette lecture.
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