John Carter
J'avoue n'avoir jamais lu les livres de Edgar Rice Burroughs, ma culture Archéo-SF laissant quelque peu à désirer. Tout au plus ai-je entendu la rumeur de son cycle martien... ainsi que le fait qu'il est, entre autres choses, l'inventeur du personnage de Tarzan.
Nul n'étant parfait, alléché par l'affiche, pas trop repoussé par la (petite) mention au-dessus du titre, (très) bien accompagné par un couple d'amis, je suis donc allé voir ce film en semaine dernière.
Résumé :
Sur Terre, John Carter est un ancien soldat confédéré, à présent un chercheur d'or, que l'armée "yankee" souhaite enrôler dans la lutte anti-indienne. Esprit indépendant, intéressé par le seul or, il s'échappe d'un cachot et, au cours de sa fuite, élimine un étrange personnage qui laisse échapper un médaillon lumineux en marmonnant de curieuses paroles. En cherchant à l'imiter, John Carter se trouve propulsé dans un désert où, à sa grande surprise, le moindre bond le projette à des dizaines de mètres de distance et où pullulent des géants verts à six membres ! A nouveau capturé, Carter apprend qu'il est maintenant sur Barsoom, la planète qu'il connaît sous le nom de Mars, un monde agonisant où une guerre terrifiante est en train de se livrer entre la ville paisible d'Hélium et la belliqueuse Zodanga. Le prince de Zodanga dispose d'une arme tirant son pouvoir destructeur du "neuvième rayon" : menaçant de tout écraser sur son chemin vers la domination de Barsoom, il exige que lui soit remise en mariage la princesse héritière d'Hélium. Mais pour elle, ce mariage serait pire que la mort... Aussi s'enfuit-elle, sans savoir que son chemin va du coup croiser celui de Carter. Saura-t-elle le convaincre d'embrasser la cause d'Hélium ?Voilà une histoire qui, en dehors de son argument martien, fleure plus la fantasy que la SF - et mérite en fait, pour moi, son classement dans les deux catégories afin de ne pas utiliser une étiquette science-fantasy qui ferait peut-être bien ricaner Guillaume, le Traqueur Stellaire. C'est au fond une histoire de héros bien bourrin faisant face à des adversaires eux aussi bien bourrins, qu'il élimine à grands renforts de coups de sabre, de pains dans la face et de technologie pas trop technologique et pas mal magique. Dans ce contexte les tenues antiquisantes (comprendre : dénudées) de l'ensemble des protagonistes martiens évoquent moins un climat chaud qu'un exotisme plus ou moins cheap : on voudrait présenter Barsoom comme le dernier champ de bataille où la tyrannie, dont comme par hasard l'étendard est rouge, cherche à imposer sa domination à tout le reste du monde... mais ce que l'on n'est pas loin de voir, en fait, c'est un remake martien d'une célèbre série américaine se déroulant sur le littoral et dont le principal argument était le tour de poitrine de l'une de ses actrices.
Non, je déconne.
Il y a là-dedans de la bonne SF, à commencer par cette faction mystérieuse des Therns qui manipule tout le monde en sous-main, et dont les membres peuvent adopter l'apparence de n'importe lequel des protagonistes - un concept qui instille une sensation de danger imminent et qui n'est pas loin d'être dunien (les Danseurs-Visages, quelqu'un ?). Et puis Mars, pardon, Barsoom est d'une beauté aride qui est elle aussi assez dunienne. A voir ces rivières qui se perdent dans le désert, ces peuplades qui abandonnent leur descendance afin de sélectionner les plus forts, ces villes en ruine et ces nefs aériennes, on pense à Dune, tôt ou tard. Pas de prophéties dans John Carter, cependant. Mars est présentée comme une planète épuisée par ses peuples sous la néfaste influence des Therns. Qui sont-ils au juste ? Et qui servent-ils sinon l'entropie ? Là où Frank Herbert esquisse un système orienté vers les dangers de l'avenir, le schéma que l'on perçoit dans cette adaptation évoque plutôt une lutte contre le temps et l'entropie. L'aspect juvénile ou presque du héros, qui semble ne pas vieillir pendant ses années de retour sur Terre, viendrait confirmer cette impression : certaines aventures ne font pas vieillir, et l'on comprend que notre propre voyage sur Mars n'a été qu'une façon pour l'auteur d'y ramener John Carter. Voilà qui n'est pas sans évoquer Narnia - oups. J'aurais peut-être pas dû la faire, cette comparaison...
J'ignore si le parti-pris de faire intervenir un personnage au nom de Burroughs relève d'une intention de la part de celui-ci. Néanmoins, le procédé littéraire impliqué me paraît tout à fait intéressant : je crois bien qu'un jour ou l'autre je me pencherai sur ce Cycle de Mars, tiens... Qui sait, peut-être pour une prochaine édition du Summer Star Wars ?
Lire aussi l'avis de Guillaume.
Commentaires
Sinon il semblerait que la présence de Burroughs soit un clin d'oeil à ses fameuses introductions où souvent il commençait une histoire en disant "qu'on le la lui avait racontée, que tout ceci avait une base réelle". Pas eu encore le temps de le lire pour vérifier ! D'autant plus que cela semble plutôt le cas de son personnage de Tarzan.
Je suis moi-même intrigué par cette série. On organise un truc autour pour cet Eté ? Je n'aurai pas le temps d'ici là...
J'ai prévu d'ailleurs un billet d'ici mars 2022 à ce sujet (pour le moment, mes bouquins sommeillent à la campagne).
(s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola