La Planète Difool
Suite et fin de L'Incal avec ce sixième et dernier tome...
Résumé :
Chaque atome de matière est devenu la porte dont la Ténèbre avait besoin pour s'infiltrer dans l'univers, et voilà que la lumière disparaît peu à peu dans la Galaxie humaine... Il ne reste plus que quelques jours avant que tout ne devienne obscur. Par chance, l'Incal a une parade : si chaque être humain de cet univers plonge dans le sommeil-transe "têta", il pourra en tirer une énergie suffisante pour livrer bataille à la Ténèbre. Hélas, pas moins de soixante-dix huit billions d'êtres humains refusent le rêve têta : tous vivent dans la Galaxie berg, et ce sont les descendants que John Difool a eus de la protoreine Barbarah ! En catastrophe, l'Incal dépêche donc Difool dans l'espoir qu'il saura convaincre les "jidoeufs" à temps...Fin de cycle et fin de série, cet album représentait un véritable défi pour ses auteurs, Moebius et Jodorowsky : après huit ans de travail en commun et cinq albums, il s'agissait de conclure dans l'esprit de la série tout en réservant une ou des surprises finales. Cet album se divise en trois "chapitres" dont les deux premiers permettent un retour au space-op' avec le voyage de John Difool chez les Bergs : occasion pour les auteurs d'approfondir l'étonnante biologie de la race berg, où chaque génération semble adopter une forme différente de la précédente... Quelques imprécisions viennent cependant amoindrir la cohérence de l'ensemble : on ne comprend pas bien si l'apparence des Bergs change tous les vingt-quatre mille ans ou bien à chaque fécondation... et surtout, l'intervalle de temps qui sépare la fécondation de Barbarah par John Difool et le moment où ses soixante-dix huit billions d'enfants deviennent les maîtres de la planète-mère des Bergs semble court, bien court. L'intrigue y perd de sa vraisemblance, qu'il convient bien sûr de ne pas confondre avec réalisme, et ce n'est pas le retour du vieux thème du découpage du héros (ses descendants voulant cette fois-ci rien moins que castrer John Difool, puis celui-ci s'arracher le nombril) qui vient soutenir cette partie de l'histoire.
Car il convient de ne pas en douter, l'épisode berg est presque accessoire, et sa justification in-universe, soufflée par les auteurs à travers la voix de l'Incal qui l'invoque au cours du combat final, n'en apparaît que d'autant plus fumeuse. C'est en réalité vers l'affrontement final contre la Ténèbre que toute cette histoire culmine et il est clair que la conversion des "jidoeufs" au rêve têta n'est qu'une parenthèse avant la séquence finale. Retour au "centre-Terre" déjà visité trois albums plus tôt, retour à la porte et à de nouveaux symboles. Difool, anti-héros minable qui a sauvé la mise à tout l'univers un nombre incalculable de fois, est le seul à ne pas subir le "cauchemar" qui manque de détruire ses compagnons. La métaphore est claire : seuls les "simples humains" ont une chance d'accéder à la quasi-divinité. Il est dommage, pourtant, que ce message soit parasité par une abondance de discours mystiques auxquels John Difool ne semble pas comprendre beaucoup plus que le lecteur. C'est avec le passage dans le deuxième cercle du cauchemar que la Ténèbre est vaincue, et que le lecteur rationaliste est perdu à jamais. Dans une série de tableaux gigantesques évoquant plus ou moins le voyage de Dave Bowman à la fin de 2001, l'Odyssée de l'Espace, John Difool, seul survivant de l'épopée de L'Incal, va rencontrer "Orh", la lumière ancienne, créateur de l'univers. C'est ici que Difool atteint une illumination et que, je suppose, le lecteur est censé l'atteindre lui aussi. Je suppose car, en ce qui me concerne, je l'attends toujours, paumé que je suis dans l'épanadiplose finale de cette histoire...
Un album un peu décevant, qui ne rend pas tout à fait justice à une série aussi excellente que L'Incal. Il paraît qu'il y a eu, à une époque, des tentatives d'adaptation de cette série en dessin animé : je dois dire que j'adorerais voir ça, L'Incal étant pour moi l'un des monuments de la SF francophone...
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