Conférence : les livres-univers, un laboratoire pour les scientifiques
Deuxième conférence à laquelle j'ai assisté le Jeudi 8 Novembre aux Utopiales 2012, celle-ci rassemblait plusieurs pointures dans le domaine des livres-univers. Les lecteurs réguliers de mon blog savent qu'Ayerdhal et Pierre Bordage figurent parmi les auteurs souvent lus par ici. Quant à Laurent Genefort, si je n'ai pas souvent eu l'occasion de le chroniquer par ici, j'ai beaucoup aimé son grand-oeuvre, à savoir la Saga d'Omale... Une quatrième invitée venait soutenir ces grands noms en la personne de Nathalie Le Gendre dont je n'ai (pour le moment) rien lu. La conférence, enfin, était animée par Jérôme Vincent.
Dramatis personae : de gauche à droite, Jérôme Vincent, Ayerdhal, Laurent Genefort, Nathalie Le Gendre et Pierre Bordage. |
Très orientée space-opera voire planet-op', la conférence a aussi été l'occasion pour les auteurs de présenter un peu leurs oeuvres classées dans ces genres. Il a été question, bien sûr, et pour commencer, de la fameuse sphère de Dyson dont Laurent Genefort s'est inspiré pour créer Omale : structure hypothétique destinée à capter l'ensemble de l'énergie d'une étoile captive. L'auteur d'Omale, comme Larry Niven (L'Anneau-Monde) s'intéresse à une telle sphère qui serait mise en rotation et à l'intérieur de laquelle on trouverait une atmosphère... ce qui pourrait rendre alors la face interne de la sphère habitable, ouvrant donc à la colonisation une surface bien plus grande que celle de la Terre. Il apparaît alors que l'univers d'Omale a été pensé en amont : pour Laurent Genefort, la science doit intervenir dans la construction même de l'oeuvre. Une première ligne de "fracture" (conceptuelle et très cordiale) s'est alors dessinée entre les intervenants. Pour Pierre Bordage, la science n'intervient pas en premier lieu dans la construction des histoires qu'il souhaite raconter. Il part de ses personnages et découvre ensuite le monde par leurs yeux : ce n'est qu'ensuite qu'il respecte les lois de la physique (par exemple) pour que son imaginaire s'en trouve nourri au mieux. On pourra donc envisager de catégoriser les auteurs sur un axe de la "démarche créative" :
- Ceux pour qui la science intervient en premier lieu, au cours des premières étapes de la construction de l'univers : quête d'une cohérence extrême de l'histoire.
- Ceux pour qui, au contraire, elle doit intervenir dans un deuxième temps, pour que l'intrigue et l'univers en général puissent accéder à la vraisemblance.
Ayerdhal et Nathalie Le Gendre ont alors signalé leur intérêt pour les sciences que l'on dit "humaines", à savoir, les sciences sociales et les approches psychologiques : les sciences dites "exactes" ne peuvent suffire à construire un univers cohérent puisque l'intérêt d'une histoire de science-fiction, c'est aussi (et surtout) l'éclairage en miroir qu'elle porte sur l'humain, donnant tout son sens à l'étiquette "socio-fiction" que j'ai eu l'occasion d'employer par le passé. Un deuxième axe de catégorisation apparaît alors : celui des affects. Ayerdhal, plutôt que d'employer les expressions consacrées de "sciences exactes ou humaines" a signalé qu'il préférait parler de "sciences inhumaines ou inexactes" : façon de rappeler que les sciences humaines ne sont pas des sciences exactes... et que les sciences exactes ont quelque chose d'inhumain ! Il faudra donc envisager une dimension supplémentaire : dans la construction de l'intrigue, l'auteur privilégiera-t-il les concepts scientifiques ou bien sociaux ? Dans ce questionnement, les auteurs ne sont jamais figés dans leur approche, comme le signale bien Pierre Bordage : il a eu l'occasion de s'intéresser aux deux types de concepts dans la construction de ses intrigues, ce qui explique sa capacité à produire aussi bien du space-opera débridé (comme par exemple La Fraternité du Panca) que des romans de fantasy historique (L'Enjomineur, qui a requis un travail de documentation préalable considérable).
La conférence a donc permis d'éclairer les livres-univers, éléments incontournables des littératures de l'imaginaire, comme produits d'un travail faisant intervenir à la fois une démarche et des affects, que je résume par un système à deux dimensions :
Une série de questions a conclu cette conférence, donnant aux auteurs l'occasion de proposer une explication (par la sociologie de l'enseignement !) à ce fait selon lequel on trouve peu d'auteurs de hard-science en SF européenne.
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