Survivants tome 2
Nouvelle sortie dans le cycle SF des Mondes d'Aldébaran avec le deuxième tome de la série spin-off Survivants. J'avais eu l'occasion (dans ma chronique du premier tome) de dire mes inquiétudes à voir cette nouvelle série parasiter le travail de Leo sur la série Antarès. Force est de constater que, d'une certaine façon, mes inquiétudes se concrétisent : le tome 4 d'Antarès est sorti à peu près au même moment que celui-ci, l'année dernière. On s'acheminerait donc, au pire, vers une alternance des sorties Antarès/Survivants et donc avec des intervalles de... deux ans qui sépareraient deux sorties dans la même série... Mes visiteurs les plus réguliers savent ce que j'en pense : après ces considérations acides et désabusées face à l'évolution d'un monument de la BD SF, place donc à la chronique.
Résumé :
Le groupe des survivants du Tycho Brahé, à présent réduit de moitié, a reçu l'aide d'une bande d'extraterrestres en dirigeable. Après avoir échangé leur navette contre des vivres, une carte et une arme, ils partent en direction d'une ville où ils espèrent pouvoir en apprendre plus quant à leur situation. Malgré leur nouvel équipement, ils vont s'avérer à nouveau plus fragiles qu'ils ne le pensaient. La faune de leur nouvelle planète se révèle de nouveau dangereuse... et, ce qui est pire, tous les extraterrestres intelligents qu'ils vont croiser ne sont pas amicaux. Face à des phénomènes souvent incompréhensibles, il sera difficile de garder la tête froide... Pourront-ils survivre et se rassembler ? Certains indices montrent qu'ils ne sont pas les premiers à s'écraser sur cette planète étonnante... Se trouverait-elle dans une région maudite de l'espace-temps ?
"Dis, Anudar, tu saurais nous résumer cet album en lui trouvant un bon titre ?
_Facile : La Patrouille des Castors dans le Triangle des Bermudes."
J'ai osé. J'ai honte.
Par respect pour Leo dont l'exceptionnel talent de dessinateur ne mérite pas une chronique aussi lapidaire, je vais m'efforcer d'aller un peu plus loin que ce résumé un tantinet vachard. Force est de constater que l'auteur des Mondes d'Aldébaran tente quelque chose de nouveau dans cette déclinaison de son concept à succès : jusqu'alors, l'exploration humaine de mondes lointains se faisant dans une ambiance plus intimiste, voire claustrophobique, où l'extraterrestre intelligent - figure d'altérité - se révélait rare dans ses apparitions et guère plus fréquent dans ses manifestations (de la Mantrisse à la race humanoïde de Sven en passant par les Iums), et où le gros de l'intrigue reposait sur les relations tendues entre les membres de la colonie humaine ou de l'expédition. Avec Survivants, il passe à une démarche tout à fait différente puisque l'extraterrestre se fait abondant, abordable et fréquent, et que l'être humain peut établir avec lui des relations sociales - qu'elles soient conflictuelles ou détendues... C'est donc une société pluri-raciale dans laquelle doivent s'insérer les survivants, une société où ils sont les seuls de leur espèce et dont ils vont devoir comprendre les règles alors que les phénomènes étranges se multiplient autour d'eux. Leo confirme donc ici son goût pour la SF en tant que socio-fiction.
Mais pour en arriver là, il faut affronter les péripéties parfois pénibles qui frappent les joyeux excursionnistes que forme le groupe des survivants. Les grosses bêtes caractéristiques de la série frappent encore mais le péril est cette fois-ci représenté par des extraterrestres hostiles, en une scène qui, si elle est justifiée avec soin (car on est chez Leo), n'est pas sans rappeler moult archétypes de science-fantasy plus fantasy que science, quand même. L'occasion pour l'auteur de nous donner à contempler un nouveau personnage de fille "forgile" : forte devant les grosses bêtes (et donc aussi devant les barbares extraterrestres) mais fragile devant les mecs, ou à cause d'une blessure intérieure, ou alors parce que des mecs leur ont infligé des blessures intérieures, à moins que ce ne soit une blessure intérieure qui les rendrait fragiles devant les mecs, quoi que ce soit peut-être tout à la fois et même tout le contraire... Oui, je suis en train de dire que Leo nous régale ici d'un n-ième avatar de Kim, l'héroïne d'Aldébaran, Bételgeuse et maintenant aussi Antarès. Quant on sait par ailleurs que ce type de personnage apparaît aussi dans Kenya, l'autre série SF de Leo, on en vient à se dire qu'il ferait bien de s'essayer à d'autres héroïnes... d'autant plus que le schéma d'Aldébaran semble ici se répéter : un narrateur masculin qui se met lui-même, ou bien se trouve mis, au second plan du personnage de la fille "forgile". Façon de dire qu'on finit par se lasser de tout. Tiens ! La quatrième de couverture, elle-même, vend la mêche en mettant ce personnage féminin côte à côte avec l'inénarrable Kim. J'attends avec impatience de voir si le prochain épisode sera l'occasion de découvrir la couleur des petites culottes de notre nouvelle héroïne : le parallèle serait alors parfait entre les deux personnages, achevant de donner l'impression que Leo n'aime pas innover dans ses formes narratives.
On ne crachera pas sur le dessin : c'est du Leo, c'est donc parfait, avec un bestiaire pas inintéressant même s'il ne se renouvelle pas beaucoup. Il est vrai qu'ayant adopté un point de vue différent avec la multiplication des extraterrestres intelligents dans son intrigue, sa créativité graphique va devoir maintenant s'exercer ailleurs que dans l'invention de bestioles étonnantes. On est donc loin d'Antarès où les couleurs et les formes des êtres vivants signaient l'hostilité d'une biosphère presque incompatible à la vie humaine : au sens propre de l'expression, nous sommes ailleurs... et reste à savoir si cette série nous conduit quelque part.
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