Axis
Il y a une dizaine de jours j'ai chroniqué en ces lieux le fameux Spin, que plusieurs de mes blogoconfrères considèrent comme le grand-oeuvre de Wilson. Sorti pas enthousiasmé de cette lecture, j'ai quand même résolu de lire la trilogie jusqu'à son terme parce que j'ai bien envie de savoir, tout de même, ce que l'auteur avait derrière la tête...
Le Spin a été levé. La Terre a réintégré un univers maintenant plus vieux de quatre milliards d'années : alors que le Soleil est enflé, prêt à la dévorer, une porte dimensionnelle que l'on appelle l'Arc s'ouvre maintenant et permet le passage vers un autre monde. Equatoria, nommée ainsi par métonymie à partir de son principal continent, est devenue la nouvelle frontière et sans doute le lieu où l'espèce humaine pourra s'abriter quand le Soleil rendra la vie impossible sur Terre. Qui dit nouvelle frontière dit aussi gouvernement pas tout à fait au point : sur Equatoria, les arrangements avec la loi sont quotidiens. Ainsi, les fameux "Quatrièmes", ces gens qui bénéficient du traitement de longévité martien, trouvent-ils refuge dans des communautés semi-religieuses pour échapper aux persécutions dont ils sont victimes sur Terre. En face, la redoutable Sécurité Génomique cherche à enrayer l'évolution biologique de l'espèce, au besoin en recourant au meurtre. Lise Adams, dont le père a disparu sur Equatoria, va être, au cours de son enquête, prise dans des évènements qui la dépassent : alors que des cendres spatiales remplies de structures biologiques, ou mécaniques, se mettent à tomber du ciel, peut-être que la question de la véritable nature des Hypothétiques, ces êtres extraterrestres à l'origine du Spin, va devenir plus cruciale que jamais. Le père de Lise aurait-il pris part à une expérience interdite ? Et les cendres qui tombent du ciel sont-elles inertes et inoffensives ?
Après un premier volet inquiétant, qui flirtait avec les échelles démesurées de l'espace, du temps et donc du space-op' le plus débridé, Wilson choisit ici de concentrer son intrigue dans un temps fictionnel bien plus court, ainsi que dans un espace plus restreint : Axis mérite à mon sens d'être classé dans le planet-opera. Restriction spatio-temporelle et donc ambiance plus claustrophobique : les personnages passent une bonne partie de l'intrigue dans des espaces clos. Il est caractéristique de voir, à ce titre, que le sort des personnages principaux se joue à la fin dans des bâtiments qui s'effondrent : ce n'est cependant pas l'entropie qui menace ici, au contraire de ce qu'il se passait dans Spin, mais plutôt l'ambition démesurée de quelques-uns. Aux deux extrémités du spectre politique dessiné ici, se trouvent les conservateurs incarnés par la Sécurité Génomique et de l'autre côté, les "Quatrièmes" fanatiques déterminés à entrer coûte que coûte en contact avec les Hypothétiques... si besoin, en se livrant à des expériences à l'éthique très discutable. Dans tous les cas, l'ambition démesurée - celle de ceux qui veulent que l'espèce évoluent, et celle de ceux qui veulent empêcher cette évolution - viendra prendre en otage les gens ordinaires qui sont de toute évidence toujours punis chez Wilson. Lise Adams et Turk, son compagnon d'aventures, sont en effet pris dans un conflit très éloigné de leurs motivations initiales.
Un peu, en fait, comme cette espèce humaine piégée par le Spin dans un plan à l'échelle cosmique. Le traumatisme imposé par les Hypothétiques n'a en effet pas encore été digéré même si plusieurs décennies se sont écoulées : même si le lecteur sait maintenant, comme les personnages, que les puissances à l'origine du Spin sont des réplicateurs lâchés dans l'Univers par des civilisations extraterrestres sans doute éteintes à présent, la question est toujours posée de leurs intentions réelles... si tant est qu'ils puissent en être dotés. Ici, l'une des questions les plus dérangeantes de Spin reste sans réponse : qu'est-ce qui a pu amener les premiers créateurs des Hypothétiques à modifier ainsi l'écologie galactique, en lâchant des réplicateurs capables d'emprisonner des planètes entière puis d'ouvrir des portails entre les mondes ?
Il ne faut donc pas compter sur Axis pour répondre aux questions d'envergure cosmique de Spin. Tout au plus, à la fin, Wilson va-t-il suggérer que les Hypothétiques peuvent offrir une forme d'immortalité de la conscience et qu'ils mériteraient à ce titre d'être considérés comme des dieux. Des dieux qui, eux, acceptent en fin de compte le sacrifice d'un Isaac offert par un personnage dont le nom présente plus qu'une euphonie avec celui d'Abraham... L'inspiration biblique déjà sensible dans Spin sous le vernis de la SF est donc à nouveau présente. Je n'irai pas jusqu'à dire que ça laisse une impression de too much, pas encore en tout cas ; mais je pense que le pire est à redouter pour le troisième terme de sa trilogie sur la fin des temps.
Car c'est en effet à mon sens le véritable enjeu de Wilson. Le Spin et ses conséquences ne sont, je pense, qu'une métaphore de l'Apocalypse et des temps troublés qui sont censés la précéder : l'avenir dira si je me trompe...
Commentaires
Là, le coup du docteur Avram et du petit Isaac, c'est tout de même un peu trop gros.