Cat le Psion

Suite à ma lecture en VF de Psion, le livre de Joan D. Vinge, m'est venue l'envie de relire le tome 2 du Cycle de Cat le Psion. C'est à présent chose faite.
Résumé : 
Cat a maintenant vingt ans. Cela fait trois ans qu'il a participé au sauvetage des mines telhassium de la Fédération, et qu'il en est sorti avec un psi estropié... Sa ligne de crédit s'épuise et il n'est pas certain qu'il puisse continuer ses études à la "Floating University". Aussi, quand le chef de la sécurité de Centauri Transports, l'un des cartels les plus puissants de la Fédération, le fait enlever pour lui proposer de travailler pour lui, Cat n'est pas très difficile à convaincre. Elnear taMing, parente de son amie Jule, est sous le coup de certaines menaces et le directoire de Centauri Transports veut que Cat, avec son talent de télépathe, participe à sa défense : on lui fournit pour cela une drogue avec laquelle il pourra utiliser son psi malgré les plaies encore à vif qui le marquent... Mais Cat, arrivé sur Terre, découvre qu'il n'a rien à partager avec la famille taMing, haineuse à l'égard des psions et imbue de son statut. Pourtant, il pourrait bien y avoir pire ennemi encore que les taMing : un fanatique religieux a juré la mise au pas de tous les psions. Saisi dans un faisceau de loyautés contradictoires, alors que les drogues nécessaires à l'accomplissement de sa mission promettent d'avoir sur lui des effets terrifiants, Cat va devoir une fois de plus risquer son psi, sa raison et peut-être même sa vie pour une espèce humaine qui le rejette...
Titré Catspaw en version originale (nom désignant une personne utilisée comme instrument pour les desseins d'un autre), ce livre est sans nul doute le meilleur du Cycle, et aussi l'un des meilleurs de Joan D. Vinge. Le personnage de Cat est ici plus mûr que dans Psion : toujours marqué par les événements dramatiques relatés dans ce livre, le voici maintenant confronté à la famille de son amie Jule. Les taMing ont rejeté Jule à cause de son don, comme on le sait depuis l'épisode précédent. Pourtant, des lignes de contact existent encore entre elle et eux et c'est sur sa recommandation que Cat va devoir apprendre à vivre sur Terre parmi les taMing. La richesse de ce livre repose alors sur deux premiers piliers : le premier, c'est bien sûr cette famille bourrée de fric mais guère plus heureuse, au fond, que les habitants des bas-fonds. Les taMing haïssent la différence, et ils se haïssent entre eux ; certains vont jusqu'à se haïr eux-mêmes. Joan D. Vinge, en décrivant toute la théorie de personnages secondaires (ou moins) qui appartiennent à ce clan rend bien mieux encore le statut d'hybride, et de paria, qui est celui de Cat, une impression renforcée par le fait qu'à nouveau celui-ci est l'acteur à la première personne de cette histoire. Le deuxième pilier du livre, c'est bien sûr la personne de Cat, qui va être confronté à un univers dont il ne maîtrise ni les codes, ni les flux de pouvoir. Le soin méticuleux mis par l'auteure à décrire l'interaction difficile de Cat avec les taMing, dont certains finiront par "apprivoiser" le psion (à moins qu'ils ne soient apprivoisés par lui), fait de ce livre une excellente pièce de fiction.

L'arrière-plan politique du livre vient alors ajouter une nouvelle dimension à l'intrigue. Cat, qui est parti de tout en bas de l'échelle, sait quels sont les effets des lois que votent les puissants. Ceux-ci, pourtant, ne sont pas mauvais a priori : là encore, plusieurs opinions seront révisées au fur et à mesure de la progression de ce livre. Mais le plus important, c'est encore le fait que Cat va parvenir, grâce à sa propre perspective, à débloquer une situation d'enjeu global : il perçoit en effet avant tout le monde le danger représenté par l'infect Stryger. Devenu alors un allié objectif, même si au départ peu convaincu, de lady Elnear, il va finir par accomplir son destin en tirant les ficelles accessibles à son niveau, explicitant ainsi le titre original du livre. L'enjeu de Cat le Psion est en effet considérable. Joan D. Vinge envisage un système capitaliste plus qu'à moitié totalitaire, où l'on finit par ne plus savoir où sont prises les décisions ni au nom de quelle légitimité : dans cet univers, les cartels sont devenu les acteurs politiques majeurs devant même les populations qu'ils représentent, les Etats-Nations ayant de toute évidence disparu ; quant à ceux qui n'ont pas d'identité auprès d'un cartel, ils n'ont pas d'existence légale et sont par conséquent taillables et corvéables à merci. Un personnage tel que celui de Cat, qui est toujours présenté comme une exception, se trouve par conséquent sur le fil du rasoir, ses droits n'étant jamais tout à fait acquis...

Scintillant dans l'oeuvre de Joan D. Vinge, Cat le Psion représente un excellent moment de SF, et au sortir de cette grande et périlleuse aventure, on est ébloui. Bravo !

Commentaires

Efelle a dit…
Joan D Vinge démontre ici une parfaite compréhension des codes du cyberpunk qu'elle adapte admirablement à son univers. Sans nul doute son meilleur roman, je suis d'accord.
Anudar a dit…
Et c'est là que l'on se dit que la grande dame se fait trop rare.

En ce qui me concerne, je suis partagé : ce roman est l'un de ses meilleurs mais peut-être pas "le" meilleur. Tu connais le goût que j'ai pour "La Reine de l'Eté"... même si je sais que tu ne l'as pas aimé de ton côté.
Thomas Geha a dit…
Un roman que j'adore. La dame se fait rare depuis un grave accident qu'elle a eu il y a quelques années. Elle avait des projets de suite pour les aventures de Cat, dommage...
Anudar a dit…
Bienvenue ici pour commencer !

Hé oui, Joan D. Vinge s'est faite bien trop rare dans les radars. Si tu es fan de Cat, je te recommande de lire (en VO) la nouvelle Psiren qui s'intercale entre "Psion" et "Catspaw". Si tu aimes le "Cycle de Tiamat", tu as aussi une préquelle intitulée "Tangled up in Blue" se déroulant avant "The Snow Queen"...

J'avoue espérer beaucoup la voir se remettre à une phase plus active de son écriture.
thomas geha a dit…
je les ai lus, bien sûr ;)
j'ai même mon catspaw dédicacé, petite fierté personnelle !
Anudar a dit…
Ah, bien ! Tu as eu l'occasion de rencontrer Vinge dans un salon pour te le faire dédicacer ? De mon côté, mes exemplaires dédicacés de certaines de ses oeuvres proviennent de bouquinerie. Les américains ne pratiquant semble-t-il pas trop la dédicace personnalisée, ça aide.
Thomas Geha a dit…
j'avais entretenu une petite correspondance avec elle, et elle m'avait envoyé un exemplaire signé :)