Sparte tome 2
Deuxième volet de la série de fiction historique Sparte (j'avais parlé ici du premier), Ignorer toujours la Douleur nous ramène dans une Cité de Lykurgue qui, quelques décennies après l'épopée d'Alexandre et donc en pleine époque hellénistique, n'est plus que l'ombre d'elle-même...
Résumé :
Pour Diodore, le chasseur de primes, le dilemme est cornélien : le très mauvais, mais très rusé roi Nabis de Sparte a capturé son pupille, le jeune Dorkis, lequel est aussi l'héritier légitime du trône, et pour le libérer, il exige de lui qu'il capture l'agitateur Agésilas. Or celui-ci partage un père avec Diodore... et dissimule sous sa tunique un corps de femme. Trahir sa demi-soeur ou laisser Dorkis aux mains de l'usurpateur ? La situation de Diodore est assez insupportable pour qu'il se change en épave, au moment même où Sparte est sur le point d'être assiégée par les troupes achéennes. Diodore pourra-t-il choisir à qui revient en premier sa fidélité ? Ne faut-il pas voir le vilain doigt de Nabis dans l'attitude du roi Philippe V de Macédoine ?
Retour à Sparte pour un Diodore désespéré : il a des raisons de l'être, comme forgé par le destin pour occuper une position bien peu enviable, celle d'un hilote et en l'occurrence d'un demi-sang spartiate, guère différent des soldats-citoyens mais relégué aux tâches les plus basses. Mercenaire, mais bourré de principes - voilà déjà une posture schizophrénique ou je ne m'y connais pas - il va comprendre bien vite qu'il dispose d'encore moins de libertés qu'il ne le pensait. Le petit Dorkis fera les frais de ses velléités d'indépendance.
Malgré la faiblesse de la Cité de Lykurgue, avérée depuis Leuctres, Sparte reste en effet renommée en Grèce et son roi Nabis est prêt à tout pour conserver le pouvoir qu'il a usurpé. L'alliance macédonienne - c'est-à-dire, avec un peuple considéré encore comme barbare à l'époque des guerres médiques - est censée lui permettre de voler la victoire à la ligue achéenne. Alliance conclue sur un mensonge qui plus est : Nabis n'est plus un spartiate, au sens antique du terme, puisqu'il agit en politicien comploteur et non en général. La rébellion d'Agésilas, qui veut rendre sa gloire passée à sa Cité, apparaît alors comme l'acte politique d'un fanatique. Qu'espère-t-elle, cette femme qui se dissimule sous une cuirasse d'homme ? Que son extrémisme lui permettra tôt ou tard d'acheter ce que la nature ne lui a pas donné ? A Sparte, seuls les hommes avaient droit de Cité : si les lâchetés de Nabis nous apparaissent, à nous, comme autant de dégueulasseries, les actes d'Agésilas auraient sans doute été considérés comme bien plus monstrueux et scandaleux - manifestations d'ubris - par ses contemporains que par nous. Les personnages principaux de cette histoire se révèlent donc tous torturés, piégés dans un véritable décor de tragédie, et ce n'est pas l'irruption d'une reine spartiate presque nymphomane - autre manifestation d'ubris ! - qui vient adoucir ce tableau : le lecteur informé sait que Sparte, après avoir déjà joué depuis longtemps ses dernières cartes, est en train de jeter ses derniers feux - et qu'après le temps de la Macédoine, viendra celui de Rome.
Le trait, toujours très ligne claire, est on ne peut plus adapté à l'exercice de cette fiction historique venue de l'Antiquité la plus brillante et donc, aussi, la plus sinistre, celle de l'époque hellénistique. On regrette cependant, à la réflexion, le manque d'expressivité de certains visages, dont on ne saurait dire s'ils évoquent le désespoir, l'oubli dans le plaisir ou l'ennui le plus profond. Sans doute n'était-il pas facile de leur accorder beaucoup d'attention quand, dans le même temps, un tel souci du détail était donné aux décors... mais n'avait-on pas le droit d'espérer les deux après environ deux ans d'attente ?
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