Le grand Jeu tome 6
Paru ces jours-ci, voici ma chronique du sixième et dernier tome de la série uchronique, Le grand Jeu...
Résumé :
A peine revenu d'Indochine, Nestor Serge reçoit de Bergier une nouvelle mission, plus aberrante encore que les précédentes : il s'agit cette fois-ci, au prétexte d'un rallye motorisé dans le Sahara, de partir à la recherche des disparus d'une colonne militaire, dont on est sans nouvelles depuis trois ans... D'après des témoins touaregs, les militaires seraient entrés dans un défilé maudit, tout près de l'endroit où l'armée a testé "Gerboise", sa première arme nucléaire. Or, un survivant a fait surface : interné dans un asile pour militaires devenus fous, il ne sait plus que répéter un mot, "Antinéa". La clé de toutes les énigmes se trouverait-elle au Sahara ? La trouble situation politique de l'Algérie française, partagée entre la répression militaire, les révolutionnaires indépendantistes et les colons, ne risque-t-elle pas de perturber l'enquête de Serge ?
Dans ma chronique du tome précédent, j'exprimais une crainte : celle de voir cette série prometteuse, à force d'envoyer Serge sur tous les fronts des bizarreries paranormales, devenir interminable et tourner en eau de boudin. Ce tome-ci étant annoncé comme le dernier, le premier terme de cette crainte ne s'est de toute évidence pas réalisé... Tout au long de cette série, les auteurs se sont fait une joie d'associer l'uchronie (avec son corollaire, le name-dropping) à une véritable érudition ésotérisante et sans doute lovecraftienne, produisant - et en toute logique - de fort réjouissants albums aussi bien tournés que bien dessinés selon les canons de la BD européenne. Restait à conclure, c'est-à-dire, à trouver la conclusion de cette histoire...
Et c'est là que le bât blesse.
Je n'aime guère les conclusions pas conclusives. Je n'aime pas les histoires qui se terminent en queue de poisson. Je n'aime pas les intrigues au goût d'inachevé. Je l'admets tout à fait, je suis un sale gosse qui ne supporte pas de manquer le dernier épisode des Mystérieuses Cités d'Or sous prétexte de départ en vacances (précisons toutefois qu'il ne s'agit pas de vécu) et qui ne tolère pas de louper la fin du film parce qu'il y a une coupure de courant... Eh bien, se produit dans cette série ce que je déteste le plus : des auteurs, en toute connaissance de cause, qui abandonnent leurs héros dans un magma sans issue. Le name-dropping de plus en plus foisonnant devient cache-misère pour une intrigue elliptique jusqu'à la cassure. Dans les tumultes d'une guerre d'Algérie qui ne dit pas encore son nom, Nestor Serge va partir à la recherche de l'Atlantide, enfin, d'Antinéa, c'est-à-dire, de L'Atlantide de Pierre Benoît... Mêlant des personnages ayant existé dans notre Histoire (Léon Zitrone, par exemple) à des personnages de fiction (tels ceux du livre de Benoît), les auteurs de cette BD semblent vouloir atteindre une plus grande efficacité de leur uchronie. Or celle-ci partait d'un point de divergence bien identifié, celui d'une victoire alliée en 1940 à la faveur d'un basculement d'alliance à l'Est... Voici toute la perspective perdue pour de bon dans cet album et nos années 50 (à force guerre d'Algérie et autres DS 19) qui s'invitent à la table d'années 1940 très incertaines. On en vient en fait à ne plus savoir où l'on en est...
Vous l'avez compris, je n'ai guère aimé cet album, et s'il ne s'agissait pas du dernier de la série, je pense que je m'en tiendrais là. Quel dommage !
Commentaires
Par contre, pour la "Mille-pattes", c'est clair que les auteurs se sont fait plaisir. :)
Mais à part ça, c'est vrai que cette vraie-fausse conclusion est une énorme déception. Je me demande si c'est juste la fin d'un cycle ou si ce sont les éditeurs qui ont décidé d'arrêter les frais.
Pour moi, vu l'étiquette "Fin de l'aventure" de la couverture, le fait que sur la quatrième de couverture il n'y ait pas de prochain album annoncé, mais aussi et surtout au "Fin" et non au "Suite" en dernière page... il n'y a pas trop de doute, la série est bouclée. Ayons le bon goût de reconnaître aux auteurs l'intelligence d'avoir su s'arrêter à temps... il y en a tant, de nos jours, qui n'en sont pas capables. Pour moi, les trois premiers albums se suffisent à eux-mêmes.
Je veux croire au stagiaire un peu trop enthousiaste.