Blacksad tome 5
Tout comme la série Juge Bao, Blacksad revient ces derniers jours : le chat noir à tache blanche, détective privé désabusé, se lancera cette fois-ci dans une road-story à l'américaine, comme le suggère très bien sa belle couverture...
Résumé :
Une rencontre fortuite, sur le parking d'un aéroport, conduit Blacksad à prendre la route à bord de la voiture d'un riche homme d'affaires, histoire de quitter la Nouvelle-Orléans et ses mauvais souvenirs. Hélas pour le chat bagarreur, une autre rencontre, un peu plus tard, l'amène à faire un détour, à la poursuite de deux auteurs maudits qui ont volé la voiture qu'il avait en garde... Sans savoir que la route qu'il prend va l'amener une fois de plus au bout de sa confiance en l'humanité. Sans savoir surtout que celle-ci pourrait bien lui faire croiser de vieilles connaissances - que ces rencontres soient plaisantes ou non...
Rencontres successives, routes interminables et grands espaces : la série continue à s'imprégner des mythes américains des années 50. Après le racisme - qu'il soit de race ou bien de classe, le maccarthysme, la peur nucléaire et la drogue, c'est donc à la place de l'art dans le capitalisme américain que les auteurs s'attaquent ici. Deux talents littéraires, un poète et un romancier, le premier n'ayant pas encore trouvé son succès, le deuxième étant sur le point de s'embourgeoiser, se trouvent à la croisée des chemins entre la quête lumineuse de la perfection artistique et celle - beaucoup plus terre-à-terre - d'une place dans une société de consommation en pleine explosion. L'un des deux a fait son choix. Les deux paieront le prix de son nihilisme.
Qu'il soit dit et bien dit que je ne déteste que peu de choses. Je tiens les nihilistes pour, au mieux, des fous, et au pire, des insincères voire des fumistes. Portrait d'un artiste-janus, car Abe et Chad ne sont rien d'autre qu'un personnage à deux têtes, Amarillo confronte son lecteur à l'univers intérieur médiocre de la Beat Generation, et dépeint avec un rare talent l'idéalisme aussi forcené que nauséabond de ces gens pour qui rien n'avait de valeur intrinsèque - ni le travail des autres, ni même le leur propre. Face à ces deux zouaves qui, désespérés par l'espoir lui-même, finissent par faire le malheur de tous à commencer par eux, Blacksad endosse avec sa lassitude et son talent ordinaires le costume de l'homme désabusé, car être désabusé, c'est le meilleur vaccin contre le nihilisme. Et pourquoi Blacksad est-il si désabusé ? Une étrange séquence familiale, toute en allusions, toute en délicatesse, nous montre le chat détective sous un jour inattendu qui dévoile un peu, mais pas trop, le mystère qui pèse sur son passé.
Sur cette route qui mène jusqu'aux frontières de la folie, Blacksad joue le rôle de témoin, parfois (trop ?) en retrait sauf lorsqu'il s'agit de tenir les uns et les autres par la main pour les ramener là où ils doivent être. Chad, le jeune auteur si partagé entre le nihilisme de son ami et ses aspirations si naturelles à une vie meilleure que médiocre, en sera sauvé. D'une certaine façon. Laissant le lecteur sur un sourire très sincère de Blacksad, que l'on espère bientôt retrouver pour un nouveau voyage au bout de l'humanité...
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