Prix des Blogueurs 2013 !
Il y a quelques minutes, l'information attendue par tous est tombée : le nom du lauréat du Prix des Blogueurs 2013 est à présent connu ! Comme doivent le savoir les personnes bien informées, il s'agit de La Maison des Derviches de Ian McDonald ! Félicitations à son auteur et un grand salut à mes confrères du Jury dont certains sont présents sur place.
Absent à cette remise du Prix alors que j'avais été à celle des deux précédentes éditions (2011 et 2012) je suis néanmoins présent en pensée sur place... et d'autant plus que je m'étais entendu avec mes confrères pour rédiger le discours de remise du Prix, dont Gromovar avait prévu de faire une lecture adaptée. Je ne résiste en tout cas pas à la vanité d'en partager ici la version intégrale.
Un dernier bravo à l'auteur et... à bientôt pour le Prix édition 2014, qui signera l'entrée au Jury de Lune et de Xapur !
Qu'est-ce
qu'une histoire ? Qu'est-ce qu'une bonne histoire ?
Ce sont là des questions que tout lecteur et, a fortiori,
tout blogueur s'est posé un jour. L'imaginaire d'un individu, que
l'on appelle l'auteur, se met au travail afin de satisfaire celui de
son lecteur en lui racontant une histoire. En littératures de
l'imaginaire, la difficulté consiste à partager avec le lecteur
une histoire où des éléments s'échappent de la trame du réel.
Que l'on parle de futur, de lieux trop lointains pour être explorés
ou d'êtres absents de l'expérience de notre présent, il existera
toujours en science-fiction des éléments que l'auteur aura dérobés
à la fabrique des possibles – des éléments qui, parfois,
s'imposeront à l'esprit du lecteur avec une puissance presque
agressive, presque hostile, et pourtant si indispensable pour
appréhender le monde bien réel dans lequel nous vivons.
Mais
l'esprit du lecteur, parfois, résiste à cette intrusion d'un
imaginaire distinct du sien. Parfois, la satisfaction de vivre dans
un monde stable et aux lois bien définies l'emporte sur l'appel de
l'ailleurs. Alors, l'auteur a le devoir de tenir la main à son
partenaire dans cette aventure – et c'est là, souvent, que le
quotidien vient en aide à l'extraordinaire, que l'humanisme vient en
aide à ce qui semble a-humain : en peu de mots, que l'Histoire
en vient en aide aux histoires. Il n'y a pas d'histoires sans
l'Histoire : de L'Epopée de Gilgamesh
à Dune en passant par L'Iliade, il n'est pas
d'oeuvre imaginaire qui ne se soit nourrie de l'Histoire, celle que
l'on dit vraie, et qui se distingue des histoires en ce qu'elle n'a
pas de sens.
Après
avoir salué la remarquable construction littéraire de Cleer
en 2011, puis l'audace imaginatrice de La Fille automate en
2012, nous, blogueurs jurés de Planète-SF, avons décidé de saluer
La Maison des Derviches de Ian McDonald pour ce Prix édition
2013. Ce roman méritait à tous points de vue d'être tenu pour
extraordinaire. Nombre d'entre nous ont relevé sa structure chorale
si bien maîtrisée. Nombre d'entre nous ont aimé son intrusion dans
un futur proche, que nous percevons presque déjà, qui lancine, qui
inquiète et qui pourtant fascine. Nombre d'entre nous ont été pris
dans la tension ascendante d'une intrigue où la science-fiction,
souvent, se fait si discrète qu'on en viendrait à l'oublier.
Pourtant, ce livre avait quelque chose de plus, quelque chose
d'unique : ce livre, en nous racontant toutes ces histoires
entremêlées, nous parlait avant tout d'Histoire. Histoire
d'Istambul, bien sûr, ville-carrefour de civilisations éteintes et
d'empires millénaires. Histoire des peuples qui s'y sont succédés,
depuis les anciens Grecs jusqu'aux Turcs de notre siècle. Mais
surtout, La Maison des Derviches nous parlait de l'Histoire
qui fascinera tout lecteur, qu'il s'intéresse ou non à la
science-fiction : celle qui n'est pas encore écrite. Comment ne
pas plonger dans les eaux si chaudes de la mer de Marmara lorsque
tant de belles idées viennent submerger nos esprits de lecteurs ?
A juste titre, La Maison des Derviches a su nous convaincre,
pour les raisons les plus incontestables. Et c'est donc avec une
joie renouvelée que nous remettons ce trophée à son auteur. Qu'il
en soit remercié.
EDIT : voici le discours tel que lu par l'ami Gromovar ! Vidéo réalisée puis mise en ligne par ActuSF.
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