Seuls tome 8
La série Seuls des sieurs Gazzotti et Vehlmann se poursuit avec la parution, ces jours-ci, du tome 8. Grand amateur de Seuls, je ne risquais pas de louper cette sortie malgré les réserves déjà évoquées à son sujet...
Résumé :
Les enfants de Fortville ont été capturés par toute une troupe de soldats très organisés qui semblent partager des points communs avec les mystérieux Alexandre et Sélène. Drogués puis conduits dans une ville fortifiée, voilà qu'ils vont prendre connaissance de leur destin : les "sages" de la sixième famille recherchent deux "élus", l'un des forces du bien et l'autre des forces du mal. Alors que la guerre des limbes menace d'éclater à nouveau entre les morts des deux camps, voilà que le groupe initial pourrait bien être divisé... Il y a cependant pire à craindre : si les "sages" croient que Saul est l'élu des forces du bien, ils pensent aussi que l'élu des forces du mal se trouverait quelque part dans le groupe de Fortville... et soumet les cinq à un inquiétant interrogatoire en présence d'un "fétiche" maléfique, censé pouvoir déterminer lequel devra donc être condamné à la "chambre blanche". Déterminés à ne pas être séparés, Dodji, Leila, Yvan, Camille et Terry vont devoir participer aux arènes, des jeux sadiques au terme desquels, selon leur classement, ils seront peut-être affectés à l'une ou l'autre des familles six à huit...
Avec la disparition des adultes, les enfants avaient déjà tenté - d'une façon ou d'une autre - de reprendre à leur compte les rôles d'encadrement et d'organisation sans lesquels tout noyau de civilisation disparaît. Cette fois-ci, conduits de force au coeur d'une future capitale d'empire - celui d'un "bien" semble-t-il autoproclamé - les voilà confrontés à une organisation oligarchique et même d'essence théocratique. Société stratifiée - la "sixième famille" jouant semble-t-il à la fois le rôle de noblesse et de clergé tandis que la "septième" s'apparenterait à une forme de bourgeoisie, et la "huitième" à une classe plutôt servile - mais néanmoins "assise" et disposant d'une certaine infrastructure technologique, l'apparition de cette culture dont certains membres semblent provenir du Moyen-Âge voire de l'Antiquité sanctionne, à mon sens, la sortie définitive de la série d'une phase où la survie au jour le jour semblait être le seul souci de ses protagonistes, au profit de développements plus conceptuels : en témoigne le brillant exposé du surdoué introverti qui captive les spectateurs des arènes, contre toute attente.
Le mystère de ces limbes n'est cependant, et bien sûr, pas encore résolu. L'intrusion dans la série d'une composante mystique, voire prophétique, n'est pas sans me poser problème : n'oublions pas que Seuls est censée s'adresser au jeune public, lequel ne maîtrise peut-être pas les pré-requis culturels pouvant l'immuniser contre le trouble qu'éveillent souvent les concepts manichéens. Les quelques moments plus détendus, moins sérieux, moins angoissants, viennent toutefois jouer un rôle d'atténuation fort bienvenu : on est dans une oeuvre jeune public, on s'attend donc à ce que les jeunes protagonistes jouent entre eux - même si certains d'entre eux, piégés dans les limbes depuis une très longue période, ont fini par mûrir en conservant leurs corps d'enfants - et développent, bien sûr, des sentiments les uns pour les autres. Compte-tenu de la très curieuse et très surprenante scène du bisou donné par Saul à Dodji dans le précédent épisode, l'émulation plus ou moins saine dont ils font preuve dans les arènes semble d'autant plus ambiguë... et appelle bien volontiers à de futurs développements.
Avec la croisée des chemins qui s'annonce au terme de cet album, on croit deviner cependant que la suite s'orientera vers la résolution de certains mystères encore en suspens. J'ai envie de dire qu'il serait temps. Malgré toute sa réussite technique et sa valeur intrinsèque, cet album apparaît en effet plus long qu'intéressant, car il ne s'y passe en fait pas grand-chose. Point de départ d'un nouveau cycle ? Album de transition ? La longueur annoncée de la série (vingt albums !) fait craindre pire au lecteur averti. Et le pire, ça serait bel et bien que Seuls tourne en eau de boudin...
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