La Grande Route du Nord tome 2

Il y a quelques mois j'avais eu l'occasion de chroniquer le premier tome en édition française de La Grande Route du Nord par Peter F. Hamilton. J'annonçais alors, ayant manqué de bien m'informer, qu'il s'agissait du début d'une série : en réalité, les intentions de l'auteur étaient de faire un one-shot et cette publication en deux tomes relève de la volonté de l'éditeur français. Je m'abstiendrai de commentaires : il paraît que je ne connais rien à l'intellect éditorial. Après avoir mentionné que je revendique en la matière mon droit à l'ignorance bénie, passons à la chronique !
Résumé : 
A Newcastle, Sid a sauvé son enquête et peut-être même sa carrière. En découvrant par quelle filière le cadavre du North inconnu a pu être escamoté, il pense avoir éliminé l'hypothèse à ses yeux grotesque d'un tueur extraterrestre passé sur Terre depuis St Libra. L'ADH, pourtant, ne souhaite rien laisser au hasard : sur Terre, elle a préempté la capture de l'un des exécutants du tueur tandis que sur St Libra, elle se refuse à mettre fin à l'expédition destinée à identifier une éventuelle civilisation extraterrestre... d'autant plus que de nouveaux meurtres ont eu lieu là-bas, au camp de Wukang. Or, Angela Tramelo - la seule qui ait vu le monstre extraterrestre qui, vingt ans plus tôt, a éliminé toute la maisonnée de Bartram North et survécu pour le raconter - s'y trouve et, à nouveau, les soupçons se portent sur elle... Est-elle la tueuse ou bien le monstre a-t-il une réelle existence ? Et dans ce cas, comment expliquer qu'une biosphère sans aucune faune puisse engendrer une créature capable de surprendre et d'éliminer les chiens de guerre de l'ADH, rompus pourtant à la lutte contre le Zanth ? Voilà pourtant que la situation se dégrade : Sirius voit sa luminosité diminuer, plongeant peu à peu St Libra dans un froid mortel, et répandant par ricochet le chaos jusque sur la Terre où le biocarburant qu'y produisaient les North vient à manquer... Qui est Angela ? Démasquera-t-elle son ennemi à temps ?
Le premier tome de cette aventure laissait l'impression, inhabituelle d'après ce que je sais de l'écriture de Hamilton, d'un monde qui n'allait pas si bien. La ploutocratie et les pionniers des nouveaux mondes - ouverts ici par des portails transstellaires - s'y révélaient moins bénins que dans ses autres oeuvres, plus antipathiques aussi, les mouvements de population entre la Terre surpeuplée (par des chômeurs !) et ses colonies étant plus ou moins contraints par des Etats (ou fédérations d'Etats) ayant repris, semble-t-il, du poil de la bête par rapport à l'époque actuelle. Si l'on peut être tenté percevoir dans le tableau souvent piquant d'une Grande Europe centralisée (à Bruxelles) toute la méfiance traditionnelle d'un anglais qui n'oubliera jamais qu'un bras de mer sépare le continent de sa chère île, on doit cependant relever que cet univers, au contraire des autres explorés par Hamilton, est menacé dès avant le début de l'intrigue, et menacé d'une façon d'autant plus inquiétante qu'au contraire de ce qu'il se passe dans L'Aube de la Nuit comme dans L'Etoile de Pandore et La Trilogie du Vide, l'être humain ne possède aucun début de commencement de solution au problème posé par le Zanth. En toute logique, La Grande Route du Nord se caractérise par une société plus anxieuse : Hamilton parvient fort bien à évoquer une ambiance agoraphobe où le péril vient de l'espace.

Pourtant, le noeud de l'intrigue ne pèse pas sur le Zanth - concept fort intéressant qui aurait sans nul doute mérité sa propre exploration ! - mais bel et bien sur l'étrange biosphère de St Libra. Recyclant avec un certain succès l'hypothèse Gaïa pour décrire un monde jour après jour plus hostile à la présence humaine, Hamilton parvient à ne pas trop loucher vers les concepts qu'Isaac Asimov développait dans les derniers tomes (controversés) de Fondation. Face à l'hostilité de ce monde, la technologie humaine fait peu à peu défaut - et comment résister à un ennemi vieux d'un million d'années lorsque l'on n'est guère mieux qu'un homme des cavernes ? En arrière-plan de La Grande Route du Nord, c'est donc bel et bien une histoire d'évolution accélérée de l'espèce humaine qui nous est racontée. Sur le chemin vers ce qui vient après, notre espèce a fait une halte non prévue et même indésirable, par crainte et paresse. L'humain augmenté, dans ce livre, existe mais n'est en rien époustouflant - et il s'aide encore de béquilles technologiques telles que des ordinateurs d'une marque bien connue de nos jours ! Sans surprise, la résolution du problème provient donc bel et bien d'une évolution décisive, qui concerne les mentalités avant de concerner les intellects puis, peut-être, les corps physiques.

Un avenir inquiétant - mais en rien apocalyptique malgré ses oripeaux glacés, une évolution au point mort - sans être dans l'impasse pour autant : le tableau d'Hamilton, en soi original, l'est aussi dans son oeuvre. Il est rare que les auteurs parviennent à se renouveler avec ce genre de talent : bravo !

Commentaires

Ce que tu en dis est bien tentant. Déjà que cette dilogie (qui n'en est pas une) me tente et que le space opera me plaît bien en ce moment (besoin d'évasion)
Gromovar a dit…
Voui. C'est très bien.
Guillmot a dit…
Je crois qu'il faudrait que je passe à la liseuse numérique pour ce genre de dyptique, je suis souvent déçu par les Bragelonne, au moins en achat numérique cela me ferait moins de frais en cas de déception ! J'amortirais ma prise de risque sur le plan financier en quelque sorte.
Anudar a dit…
A priori, je pense que c'est une des bonnes sorties dans ces derniers mois. Peut-être pas un chef-d'oeuvre mais néanmoins une jolie pièce.
Anudar a dit…
Comme dit par ailleurs, on se rejoint sur l'interprétation concernant l'écriture de PFH.
Anudar a dit…
Clair que 50 € la lecture c'est de nature à faire reculer qui n'est pas sûr de son coup. Après, paraît qu'un livre de poche de mille page ça ne se vendra pas dans notre pays... Pour les autres, y'a en effet le numérique (mais je soupçonne que ce livre serait aussi saucissonné dans une liseuse !) et surtout la lecture en VO. Parfois, je regrette un peu d'être fainéant et de préférer lire dans ma langue...