L'Océan au Bout du Chemin
Lu sur la foi d'une chronique enthousiaste de l'ami Gromovar, ce court roman de Neil Gaiman se lit - comme promis - en un clin d'oeil.
Résumé :
La campagne anglaise, semblable à elle même, de nos jours comme dans les années 60. Revenu dans le village de son enfance, un homme se rend - sans trop savoir pourquoi - au bout du chemin, là où se trouve la ferme où vivait jadis l'une de ses amies. Au bord de la mare qu'elle appelait "océan", lui reviennent des souvenirs qu'il aurait crus perdus à jamais : ceux de cette gouvernante venue d'un autre monde, ceux des prédateurs, et ceux du sacrifice consenti pour qu'il puisse malgré tout grandir. Pourra-t-il comprendre, maintenant, ce qu'il a saisi puis oublié quand il n'avait que sept ans ?
L'introduction aux accents nostalgiques ne doit pas tromper le lecteur de ce livre. L'histoire que Gaiman raconte n'est ni nostalgique, ni douce-amère comme peuvent l'être les souvenirs d'enfance : elle est au contraire presque inquiétante dans sa peinture d'un monde physique fragile face aux autres dimensions et aux puissances terrifiantes qui les habitent. Les corps et les esprits humains, eux-mêmes fragiles dans leur incapacité à saisir le caractère infime de leurs propres vies dans un univers trop vaste et trop complexe, ne sont guère plus que des animaux domestiques - au mieux - voire des atomes. Car, s'il existe des puissances capables d'appréhender l'univers dans sa totalité, certaines sont bienveillantes alors que d'autres ne sont qu'indifférentes. Et face à l'indifférence d'une force trop grande pour être comprise, que pèse la détresse d'un enfant ?
Court mais éblouissant, L'Océan au Bout du Chemin parlera bien volontiers aux amateurs adultes de littérature pour le jeune public, auquel il n'est pas destiné même s'il en reprend certains codes. Si la symbolique de la main tendue, puis lâchée, puis retrouvée peut être compréhensible au jeune lecteur, si les étranges interrogations du personnage-narrateur perturbé par sa propre nudité lorsqu'elle est publique mais incapable de percevoir le caractère peu... convenable des gestes de son père à l'égard de sa gouvernante peuvent, à la rigueur, éclairer le raisonnement de ce même jeune lecteur, il va de soi que l'abondante réflexion offerte par l'auteur sur le statut de la mémoire - et son efficacité - sera perdue à qui n'a pas fait l'expérience d'une quinzaine d'années de vie et de souvenirs en partie oubliés. Car se souvenir, c'est déjà comprendre... Et se souvenir des peurs et de l'impuissance de l'enfance est le premier pas que l'on peut faire pour s'en défaire.
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