Les Sorcières tome 1 : Tête noire

La Complainte des Landes perdues scénarisée par Dufaux a vu se conclure, l'année dernière, son deuxième cycle - Les Chevaliers du Pardon - en forme de préquelle puisque le premier - Sioban - est censé se dérouler à une époque ultérieure. Cette fois-ci, rebelote : le troisième cycle, dont le titre plus sobre Les Sorcières annonce la couleur, se déroule a priori avant les deux autres...
Résumé : 
Vivien est un beau jeune homme d'ascendance noble qui, au cours de son voyage vers le château du roi Brendam, succombe à une embuscade en forme de trahison. Laissé pour mort, noyé dans un marécage, il est rappelé à la vie par une fille rousse aux airs de sorcière qui le soigne ensuite au coeur de la forêt, dans la demeure de sa mère. Etrange domaine - gardé par une inquiétante idole à tête noire - dont la maîtresse, de toute évidence de haut lignage plume néanmoins elle-même sa volaille... Rétabli, Vivien reprend sa route vers la cour du roi, auprès duquel il doit s'introduire en présentant une amulette marquée du sceau de l'Inferno Flamina. Pour le roi Brendam, qui tolère de plus en plus mal son mariage avec la reine Jamaniel, Vivien représente-t-il une image perdue d'un passé révolu ? Et pour Elgar, le fils maléfique donné au roi par sa reine, Vivien n'est-il rien d'autre qu'un simple obstacle dans son chemin vers le trône ?
Nouvelle incursion dans les landes de l'Eruin Dulea, ce pays d'inspiration celtique, figé dans un Haut Moyen-Âge fantasmatique où les créatures monstrueuses et les sorcières sanguinaires guettent le voyageur au détour d'un bois ou d'une auberge mal famée. Alors que le précédent cycle évoquait des personnages et une organisation, celle des Chevaliers du Pardon, déjà présents dans le tout premier, les éléments généraux semblent ici plus nouveaux et le lien entre ce nouveau cycle et les deux autres n'apparaît pas d'une façon évidente. L'ambiance globale s'y retrouve pourtant : malédiction familiale, real-politik et forces obscures en embuscade. Au sein de cet album, se détachent deux figures aussi naïves que solides : celle de Vivien, tout d'abord, dont la magnifique tenue bleue tranche sur les verts et ocres par ailleurs majoritaires en Eruin Dulea, et dont le destin semble pour le moment aussi menacé qu'ouvert ; mais aussi celle de sa sauveteuse, Oriane, belle et mutine mais derrière laquelle on devine une puissante intelligence - et même, osons-le dire, une force redoutable.

Bien que la rencontre entre ces deux personnages soit de toute évidence le noeud de l'intrigue de tout le cycle, on constate que les auteurs prennent le soin de les séparer aussitôt, pour que chacun fasse son chemin. Celui d'Oriane se fera depuis la profonde forêt où s'est établie sa mère : pour le moment, c'est celui de Vivien qui va préoccuper l'intrigue. Sans surprise, le beau jeune homme n'est autre qu'un héritier bâtard du roi Brendam, descendant d'une famille marquée par le sceau de la folie, et sur la naissance duquel pèsent un puis deux crimes... Si l'affirmation de sa puissance princière ouvre la voie de sa légitimation, les ténèbres pèsent encore sur son destin : concurrent du prince Elgar, il promet d'être la proie des complots de la reine Jamaniel qui peut compter sur de très inquiétants alliés. Au détour d'une formule magique entonnée dans la chambre de la reine, destinée à ensorceler le roi, s'établit peut-être le lien tant recherché avec les cycles précédents, de même qu'avec cette extraordinaire et cruelle procession de villageois qui marchent à leur perte au cri de "Inferno Flamina". Le mal est à l'oeuvre en Eruin Dulea, un mal aussi ancien que puissant - et sans Chevaliers du Pardon, vers qui se tourner pour l'extirper ? L'album, bien que magnifique, semble par conséquent presque nébuleux dans son intrigue : c'est une ouverture de cycle, sans doute, et il convient de juger sur la suite. Nous verrons.

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