Le Souffle de Dune
Cette fois-ci, l'introduction de cette chronique prendra la forme d'une liste de réponses (en lettres grasses) aux commentaires prévisibles qu'elle pourrait s'attirer.
- Pourquoi donc avoir acheté ce livre alors que tu as déjà eu l'occasion de dire à quel point ce projet te déplaisait ? Je ne l'ai pas acheté, je l'ai emprunté en bibliothèque.
- Pourquoi ne pas l'avoir lu en anglais comme plusieurs des précédents ? Flemme.
- Comment un dunien tel que toi peut-il se compromettre à lire ceci ? Parce que je suis faible ? Non, en fait parce qu'il faut savoir de quoi on parle pour critiquer.
- You deserve being called a preekelite ghafla for reading this. I guess you didn't even take a look at my previous posts. So, fuck you very much.
L'Empereur Paul-Muad'dib est porté disparu depuis près d'un mois lorsque la nouvelle est amenée sur Caladan, sa planète natale. Devenu aveugle, Muad'dib est parti pour le désert après l'accouchement et le décès de Chani, sa concubine fremen et la mère de ses enfants jumeaux, héritiers de l'Imperium conquis. Dans tout l'Univers connu, la nouvelle éveille la tristesse, le soulagement et la convoitise. En douze années de guerre sainte, Paul Atréides est devenu le Messie d'une religion nouvelle dont les fidèles convergent maintenant vers Arrakis. En douze années de guerre sainte, les Fremen ont massacré des dizaines de milliards d'êtres humains au nom de Muad'dib. En douze années de guerre sainte, les Grandes Maisons - à commencer par l'ancienne dynastie de Corrino - et le Bene Gesserit ont eu le temps de ronger leur frein. La Régence d'Alia, soeur de Paul, est aussitôt fragilisée : après le complot qui a coûté sa vue à l'Empereur, d'autres forces que la Qizarate sont à l'oeuvre qui guettent le moment où le pouvoir changera de nouveau de mains... Reste-t-il une place pour les traditions politiques des Atréides au sein de l'Imperium conquis en leur nom par le fanatisme des Fremen ?
J'ai déjà eu l'occasion de dire le profond déplaisir que j'ai eu l'occasion d'éprouver à la lecture de ces romans estampillés Dune mais non signés par Frank Herbert et je n'y reviendrai pas. Il suffira de savoir que celui-ci fait suite à Paul le Prophète - Paul of Dune - que j'ai chroniqué ici quelques années plus tôt, et peu importe le lien. Sans surprise, on retrouve ici l'ensemble des défauts que les duniens attentifs ont su déceler dans les précédentes livraisons de cette série parallèle écrite à quatre mains : résumons-les en disant que ce livre n'est pas Dune. Certes, on y retrouve plusieurs personnages majeurs de la série du Maître Herbert, mais dépourvus de la profondeur qui est la leur dans l'oeuvre d'origine. Certes, on y retrouve des lieux et des thèmes familiers au lecteur dunien, mais cela ne suffit pas. Certes, ce livre se lit bien et vite, calibré par ses auteurs à cette seule fin, et c'est sans doute l'un de ses seuls intérêts.
Des lecteurs plus savants que moi invoqueront des textes que je ne lirai jamais pour justifier leur idée selon laquelle aucune continuation du Cycle de Dune n'était envisageable ou même souhaitable. N'étant guère amateur de traités de philosophie, je me contenterai de relever le fait que le Maître lui-même ne savait sans doute pas en 1965 jusqu'où l'aventure de Dune allait le conduire : savait-il qu'un jour il allait ajouter de nouveaux romans à la suite du Messie de Dune ? Avait-il alors la moindre idée de ces si étranges romans que sont Les Hérétiques de Dune et La Maison des Mères ? Je soupçonne que non - et ce fait, ce simple fait permet de légitimer le principe d'une continuation du Cycle, y compris par d'autres auteurs puisque Frank Herbert a eu l'occasion d'écrire en collaboration.
Comme c'était le cas pour Paul of Dune, plusieurs parties alternent, entre le temps présent - celui où Paul vient de partir pour le désert et où Jessica fait son retour sur Arrakis - et un passé plus ou moins éloigné, où Paul forge une amitié aussi contrariée que tragique avec Bronso d'Ix, lequel deviendra plus tard l'auteur de nombreux pamphlets critiquant son action d'Empereur. Le lecteur de Dune sait, par maintes allusions de Frank Herbert, que Paul n'est pas sorti tout armé de son lit au Castel Caladan, quelques heures avant que la Révérende Mère lui fasse passer le test du gom jabbar. Quelle histoire personnelle peut expliquer son comportement y compris lorsqu'il doit prendre la fuite à travers le désert, pour la première fois ? En voulant lui faire entreprendre un voyage clandestin, les auteurs le confrontent à une forme d'adversité y compris psychologique - et qu'il est dommage d'avoir à pointer ici l'invraisemblance de cette intrigue alors que l'intention des auteurs n'est pas tout à fait condamnable. La question véritable n'est donc pas tant celle de la légitimité du projet que celle du découpage et des choix littéraires faits par les auteurs de cette continuation : c'est là que le bât blesse pour le dunien à même de séparer le bon grain de l'ivraie...
Commentaires
Des précisions sur l'auteur de cet article : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Goya
J'ai pensé que cela pouvait vous intéresser.
https://youtu.be/9hMyZ4q-s6U
Pourquoi ne viendrais-tu pas nous dire bonjour sur notre forum :) ?