Véridienne
Je ne connais pas Chloé Chevalier. Son roman - éligible au Prix des Blogueurs 2016 - est le premier d'un cycle (une... trilogie ?). Il est arrivé entre mes mains un peu par hasard, à un moment il y a un mois où je cherchais une lecture légère et rapide car j'avais beaucoup à faire : le rush de travail étant terminé, je trouve enfin le temps de le chroniquer...
Résumé :
Le Demi-Loup... Un royaume froid aux traditions inexplicables, aux confins de l'Empire de l'Est, partagé en deux par son précédent monarque au bénéfice de ses fils afin de peut-être satisfaire le particularisme de ses deux moitiés, séparées par une haute chaîne de montagnes. Au Demi-Loup, les membres de la lignée royale reçoivent dans leur première enfance un Suivant, un enfant du même sexe né le jour d'après celui de leur naissance, et destiné à remplacer le souverain s'il venait à faire défaut. Tout commence avec le départ du prince héritier du royaume, à l'âge de douze ans, que son père envoie contre son gré en guerre contre l'Empire de l'Est, un combat sans espoir et surtout sans objet au vu de l'immensité de l'ennemi. Non, tout commence avec la fuite de Calvina, héritière de la moitié du Demi-Loup, accompagnée par sa Suivante et le Suivant de son défunt père, afin d'échapper au coup d'Etat des Chats d'Edelin, qui dirige la plus forte armée du royaume. Non, tout commence avec la mésentente du roi Aldemar et de la reine Malvamonde et par l'entorse à la coutume qui a fait qu'à Véridienne, la princesse Malvane a reçu non pas une mais bel et bien deux Suivantes... Quel drame est-il en train de se nouer à Véridienne, triste capitale d'un royaume condamné par le destin ? Quelles crimes le prince héritier Aldemor fomente-t-il à l'Est afin d'accomplir l'impossible mission qui lui a été confiée ?
Je l'avoue, j'ai craint le pire à l'ouverture de ce roman assez court : des châteaux, des princesses, une marâtre, des soldats qui agissent de leur propre fait, des traîtres, des nobles, un prince pleurnichard et un royaume aux traditions aussi incompréhensibles qu'ancestrales et surtout presque pas questionnées par les protagonistes... Véridienne apparaissait au premier abord comme une peu indispensable resucée de tout ce que la fantasy charrie de plus commun depuis les contes venus du Moyen-Âge. Et il est vrai que le Demi-Loup tient bien volontiers du royaume moyenâgeux, avec son système féodal qui doit autant à l'héritage mérovingien - avec partage des terres entre les deux héritiers - qu'à ses développements plus tardifs - où l'assemblée des nobles constitue un vague début d'embryon de parlementarisme. La présence d'un Empire ennemi à l'Est évoque bien volontiers la longue rivalité entre la France et le Saint-Empire, et ce même si l'étendue de cet ennemi, ainsi que sa toponymie, contre lequel le prince Aldemor part chevaucher contraint et forcé semblerait évoquer plutôt la Chine. On voyage donc ici dans de la fantasy sans magie.
L'intérêt de Véridienne est pourtant relancé par sa narration audacieuse et - osons ! - peut-être un peu casse-gueule. En rassemblant deux princesses et leurs Suivantes (soit donc trois fillettes du même âge) dans un même château, l'auteure se donne la possibilité de multiplier les points de vue. Chacune possède sa propre personnalité ainsi que sa propre mentalité, soit donc son propre regard. A ces points de vue s'additionnent ceux d'autres personnages plus secondaires et qui viennent jouer pourtant un rôle explicatif indispensable : l'Histoire du Demi-Loup est mystérieuse, et de celle-ci procèdent bon nombre des événements relatés dans ce roman. Avec le retour du prince Aldemor, à la tête des quelques rares survivants de l'ost parti à l'Est, se met en place l'ultime perturbation de l'ordre du Demi-Loup : le royaume, bien que vainqueur, sera désormais isolé, aux prises avec une insidieuse épidémie, rongé de l'intérieur comme son château l'est par les eaux souterraines... Belle construction, en fin de compte, Véridienne mérite qu'on lui porte intérêt - et que l'on se penche aussi sur ses suites. Il est rare que la fantasy s'exprime aussi bien en français.
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