Centaurus tome 2 : Terre étrangère
Il a déjà été question ici de Centaurus, une série de BD space-op' scénarisée par Leo (Les Mondes d'Aldébaran) et Rodolphe, et dessinée par Janjetov (Les Technopères). Alors, qu'en est-il de ce deuxième volet ?
Résumé :
Une mission d'exploration débarquée sur la planète Véra inspecte les structures artificielles repérées depuis l'espace. L'équipe, à laquelle participent Joy et June, les jumelles dont l'une des deux bien qu'aveugle dispose d'un surprenant sens de la double-vue, est consciente de l'importance de la tâche : il s'agit rien de moins que de confirmer Véra comme un abri possible pour l'espèce humaine qui a fui une Terre ruinée, alors que le vaisseau générationnel qui a emmené les survivants jusqu'au système de Centaurus ne permettra peut-être pas d'aller beaucoup plus loin... Sur Véra, les installations artificielles - de toute évidence conçues pour des êtres différents de l'humanité - semblent désertées, mais la planète recelle pourtant des surprises dont certaines sont très dérangeantes. A bord du vaisseau lui-même, une enquête se poursuit : quelqu'un, ou quelque chose, est monté à bord pendant le voyage... Et cette entité a laissé des traces discrètes de son passage à bord...
Disons-le avec honnêteté : cet album est enthousiasmant ! Suite à un premier tome d'exposition plutôt réussi, qui donnait l'occasion de redécouvrir un peu la façon de travailler de Leo mais aussi celle de Janjetov, les attentes étaient assez élevées. En particulier, je faisais peser sur Leo une belle responsabilité : relevé sur cette série du travail au pinceau, il était temps pour lui de se concentrer sur le seul stylo, une occasion comme une autre de mettre fin aux errements qui ont fait souffrir la série Antarès. Le contrat me semble rempli : l'intrigue ne montre pas de temps mort, les explorateurs de Véra font découverte sur découverte, alternant l'inattendu et le dérangeant. L'intercalage de séquences à bord du vaisseau en orbite permet de relancer l'intérêt de l'exploration : si certains lieux évoquent des archétypes issus peut-être de l'inconscient collectif de cette humanité arrachée à son sol natal, il se pourrait aussi que certains membres de l'équipage ne soient eux-mêmes que des simulacres. Véra ne serait alors qu'un monde truqué, un concept renforcé par la très belle image finale, et une idée que je trouve à la fois belle et absente par ailleurs dans la série Les Mondes d'Aldébaran - même si des lecteurs de Leo plus assidûs que moi me parleront sans doute de sa série Kenya pour me démontrer son goût pour les mondes truqués !
Le dessin de Janjetov, sans surprise, reste bien reconnaissable depuis l'époque de sa collaboration avec Jodorowsky. Moins glacé que dans Les Technopères, affectant moins la perfection du silicium, il donne ici l'impression d'avoir gagné en maturité. Du coup, les personnages en apparaissent plus expressifs, plus faciles à reconnaître, en un mot, plus humains - tour de force s'il en est quand on pense à cette impressionnante galerie de vrais-faux jumeaux : même celui de la paire qui n'a... pas sa place à bord du vaisseau présente une expression bien à lui qui l'insère, à sa façon, au sein d'une humanité à laquelle il n'appartient pas tout à fait. J'ignore lequel des trois compères a eu cette idée, mais c'est un fait que le soin mis à représenter ces personnages-là éclaire en réalité toute l'humanité des autres. On se retrouve donc bien dans un univers humaniste, celui de Leo, mais qui prend une saveur bien spécifique et surtout éloignée de celle des derniers tomes des Mondes d'Aldébaran. Le prochain tome - après Terre promise et Terre étrangère, Terre d'Election ? - permettra de juger une bonne fois pour toutes cette série. Je suis sûr que cette intrigue peut se résoudre en un seul épisode supplémentaire : si Leo le fait, et confirme qu'il renonce à cette manie de la pentalogie et autres séries à rallonge, cela me comblerait ! Quoi qu'il en soit, Centaurus représente à l'heure actuelle ce que la SF en BD fait de mieux... Bravo !
Commentaires