La Porte d'Abaddon
The Expanse : l'univers conçu par les deux auteurs qui se cachent derrière le pseudonyme James S. A. Corey continue à... s'étendre, avec ce troisième volet de leur histoire mais aussi avec une série télévisée que j'ai commencée. Pour le moment, place à la chronique de ce roman proposé à la lecture par son éditeur que je remercie au passage.
Face à cette question sans réponse évidente, les personnages de The Expanse vont adapter leurs propres comportements : trois types de réaction vont s'opposer, pour ne pas dire entrer en conflit. La plus naturelle, au sein d'un univers de space-opera, n'apparaît toutefois pas avant la résolution de l'intrigue : les personnages peuvent désirer conquérir cette nouvelle frontière qui leur est offerte. D'autres jouent la carte attentiste : perdus dans un univers de danger, il convient de peser le pour et le contre avant d'agir, de préférence en concertation. Certains enfin, poussés à la folie par le caractère étranger du monde nouveau qui leur est imposé, finissent par sombrer, ouvrant la porte aux solutions rassurantes car simplistes mais désastreuses en réalité. Belle illustration du caractère contagieux de la folie au sein d'un groupe cultivant l'entre-soi. Belle démonstration d'humanisme, surtout, car aucune des trois factions n'est épargnée par ce travers : certains personnages méritent l'Univers et d'autres ne le méritent pas ; et les Ceinturiens eux-mêmes sont susceptibles de basculer dans un fanatisme que ne justifie pas toujours une profonde foi religieuse.
The Expanse nous montre, encore et toujours, les premiers pas d'une humanité à peine sortie de son adolescence voire peut-être de son enfance dans un univers dont la vastitude elle-même est inquiétante. Ces premiers pas sont hésitants et peuvent déboucher sur de véritables catastrophes : on est très loin ici de l'Imperium de Dune dont l'étendue elle-même constitue pour l'humanité un genre de garantie de survie. De cette fragilité - si peu évidente pour nous que nous ne nous préoccupons pas de partager une seule et même planète ! - va découler l'argument de toute cette série. Avec La Porte d'Abaddon, les personnages de The Expanse font un pas décisif vers l'avant, vers l'espace et vers les étoiles : celui de la sortie du système solaire, un pas qui implique la confrontation avec d'autres formes de vie et peut-être d'autres intelligences. Dans le cadre d'une approche tutoyant par moments la hard-science, et dans le contexte de quasi-instantanéité à l'échelle astronomique des réalisations humaines, ce troisième volet - qui conclut en réalité la première moitié d'une hexalogie - promet beaucoup et au-delà pour la suite. Il est rare d'être confronté à une telle ambition en termes de space-opera de nos jours : bravo !
Résumé :
Le système solaire essaie de recouvrer des chocs des derniers mois : suite au conflit entre la Terre et Mars, l'Alliance des Planètes Extérieures s'impose de plus en plus comme un acteur incontournable. Mais, sur le nouvel échiquier, il faut aussi tenir compte de l'artefact extraterrestre issu de la protomolécule qui s'est niché dans l'orbite d'Uranus : un gigantesque anneau qui, grâce à la participation malheureuse d'un Ceinturien désirant son quart d'heure de célébrité, se révèle être un portail hyperspatial. Où mène-t-il ? Alors qu'une étincelle suffirait à mettre le feu à la poudrière que les trois factions humaines ont rassemblée autour de l'Anneau, James Holden se voit contraint de convoyer une équipe de journalistes jusqu'à lui - alors qu'il avait juré de ne plus jamais avoir affaire ni de près ni de loin à la protomolécule... Dans le même temps, la soeur de Julie Mao est résolue à éliminer Holden après avoir entaché à jamais sa réputation, en guise de représailles pour le mal qu'il a fait à sa famille. Le capitaine du Rossinante saura-t-il se tirer d'affaire, cette fois-ci ? La tâche promet d'être d'autant plus dure que l'Anneau et l'espace de transit sur lequel il s'ouvre ne sont peut-être pas tout à fait inertes...J'aime beaucoup, dans cette série, le concept selon lequel la protomolécule n'est autre qu'un instrument de conquête - ou d'ingénierie - développé par une civilisation extraterrestre énigmatique ayant choisi le système solaire comme un nouveau point de chute un milliard d'années avant l'apparition de l'être humain... Sauf que l'Univers étant fait d'imprévus, quelque chose n'a pas fonctionné comme il le fallait : au lieu de préparer le système solaire à l'accueil de ses nouveaux maîtres, la protomolécule a dormi pendant mille millions d'années avant d'être réveillée par l'espèce humaine. Ayant accompli sa mission avec une éternité de retard, elle ne permet toutefois pas aux êtres humains de rencontrer ses créateurs car ceux-ci ont disparu. Mystère extraterrestre démultiplié par le vertige du temps : cette sensation de démesure, plus difficile encore à faire éprouver que celui délivré par les distances astronomiques ou les batailles spatiales dantesques, donne d'emblée à La Porte d'Abaddon la saveur d'un space-opera parmi les meilleurs. Le système solaire est dangereux pour l'être humain - et ce d'autant plus qu'il y apporte lui-même ses propres dangers - mais l'Univers, au-delà de l'héliopause, l'est plus encore : est-il bien sage de s'y aventurer ?
Face à cette question sans réponse évidente, les personnages de The Expanse vont adapter leurs propres comportements : trois types de réaction vont s'opposer, pour ne pas dire entrer en conflit. La plus naturelle, au sein d'un univers de space-opera, n'apparaît toutefois pas avant la résolution de l'intrigue : les personnages peuvent désirer conquérir cette nouvelle frontière qui leur est offerte. D'autres jouent la carte attentiste : perdus dans un univers de danger, il convient de peser le pour et le contre avant d'agir, de préférence en concertation. Certains enfin, poussés à la folie par le caractère étranger du monde nouveau qui leur est imposé, finissent par sombrer, ouvrant la porte aux solutions rassurantes car simplistes mais désastreuses en réalité. Belle illustration du caractère contagieux de la folie au sein d'un groupe cultivant l'entre-soi. Belle démonstration d'humanisme, surtout, car aucune des trois factions n'est épargnée par ce travers : certains personnages méritent l'Univers et d'autres ne le méritent pas ; et les Ceinturiens eux-mêmes sont susceptibles de basculer dans un fanatisme que ne justifie pas toujours une profonde foi religieuse.
The Expanse nous montre, encore et toujours, les premiers pas d'une humanité à peine sortie de son adolescence voire peut-être de son enfance dans un univers dont la vastitude elle-même est inquiétante. Ces premiers pas sont hésitants et peuvent déboucher sur de véritables catastrophes : on est très loin ici de l'Imperium de Dune dont l'étendue elle-même constitue pour l'humanité un genre de garantie de survie. De cette fragilité - si peu évidente pour nous que nous ne nous préoccupons pas de partager une seule et même planète ! - va découler l'argument de toute cette série. Avec La Porte d'Abaddon, les personnages de The Expanse font un pas décisif vers l'avant, vers l'espace et vers les étoiles : celui de la sortie du système solaire, un pas qui implique la confrontation avec d'autres formes de vie et peut-être d'autres intelligences. Dans le cadre d'une approche tutoyant par moments la hard-science, et dans le contexte de quasi-instantanéité à l'échelle astronomique des réalisations humaines, ce troisième volet - qui conclut en réalité la première moitié d'une hexalogie - promet beaucoup et au-delà pour la suite. Il est rare d'être confronté à une telle ambition en termes de space-opera de nos jours : bravo !
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