Le Bibliomancien
Ouverture d'une série de Fantasy tendance urbaine, ce roman de Jim C. Hines - dont je n'ai jamais rien lu - est aussi l'un des concurrents au Prix des Blogueurs 2017. Depuis Harry Potter, la Fantasy urbaine s'est changée en étiquette à part entière et l'on peut y rattacher des titres aussi variés que Neverwhere ainsi que le Cycle de la Laverie. Etait-il alors surprenant qu'un jour, quelqu'un tenterait cette mise en abyme d'un genre tout entier ?
Résumé :
Isaac est bibliothécaire dans une obscure bibliothèque publique du Michigan. Son animal familier, c'est Titache, une araignée de flammes qu'il a fait sortir d'un de ses livres de chevet... car Isaac est aussi bibliomancien, c'est-à-dire un sorcier capable d'extraire des choses des livres qu'il lit. Les presses à imprimer ont en effet démultiplié l'efficacité de la magie traditionnelle : il suffit qu'une oeuvre soit assez lue pour qu'un sorcier puisse invoquer les objets mais parfois aussi les créatures qui s'y trouvent décrites. Isaac voudrait pouvoir faire de la recherche sur la magie des livres - mais les Gardiens, l'organisation internationale qui chapeaute les manifestations magiques, l'a mis à l'index depuis un dérapage sur le terrain. Pourtant, lorsqu'un trio de vampires frappe à la porte de sa bibliothèque, Isaac n'hésite pas un instant à faire usage de sa magie afin de se défendre... Et quand Lena - une dryade née d'un arbre décrit par un auteur pervers - vient à sa rescousse, il comprend que quelque chose ne tourne pas rond. Les Gardiens sont sans nouvelle de l'imprimeur Gutenberg, le fondateur de leur ordre, et nombre d'entre eux ont été attaqués par des vampires en furie, alors que les chefs de ces derniers nient toute implication. Quelqu'un voudrait-il déclencher une guerre magique ? Où sont passés Gutenberg et ses automates, garants de l'ordre magique ? Alors que les Gardiens ne savent plus à qui se vouer, c'est peut-être bien sur l'intelligence de terrain d'Isaac, la force de Lena et la perceptibilité de Titache que le sort du monde pourrait reposer...
L'idée de faire tirer blasters, épées, boucliers - venus de Dune ! - et même créatures fantastiques - ou en tout cas leur empreinte mémétique - des livres est à la fois simpliste et géniale. Quel gosse n'a pas eu envie de faire sortir Dard de l'oeuvre de Tolkien, et même, combien ont essayé de toute la force de leur volonté ? Isaac incarne un peu ce lecteur qui sait que, derrière la fiction qu'il est en train de lire, il y a un peu plus que de simples mots. Et si la substance bien réelle des échanges d'information entre les neurones de l'auteur, au moment de l'écriture, pouvait se changer à la lecture en matière bien palpable à l'état macroscopique ? Toute la magie se trouverait ici dans cette capacité à nier les lois de la physique pour tirer la réalité de la fiction, dans certaines limites bien sûr - les livres s'épuisant à fournir des objets magiques. Isaac est aussi et surtout un véritable geek, dont on ne sait trop s'il doit sa connaissance encyclopédique des univers de fiction à son boulot de bibliothécaire ou si c'est le contraire... Mais dans un monde où la fiction engendre la magie, c'est aussi et encore un combattant hors-pair - même s'il appréciera le plus souvent d'être soutenu par ses deux meilleurs alliés.
Si le déroulement de l'intrigue est assez tonique, il manque à ce livre toutefois ce petit quelque chose qui en ferait un excellent morceau. Harry Potter, Neverwhere, la Laverie... dans ces livres, à chaque fois l'auteur parvient à insérer sa Fantasy au coeur même de la réalité d'une façon si convaincante que l'on pourrait en venir à se dire "et si c'était vrai ? après tout ?". Certes, introduire le personnage de Gutenberg n'est pas sans surprendre et en même temps sans se justifier. Certes encore, faire des différentes espèces de vampires les principaux adversaires d'Isaac au début de l'oeuvre ressemble beaucoup à un monstrueux pied de nez - pour ne pas dire un gros fuck - à toutes les twilighteries dont je ne sais trop s'il faut se réjouir de les avoir vues s'éclipser au profit des dystopires et autres post-atrop... Certes enfin, la liste des oeuvres de fiction - dont certaines sont fictives ! - au terme du roman aide à comprendre qu'il s'agit d'une mise en abyme, d'une oeuvre écrite par un fan d'imaginaire, à destination des fans de l'imaginaire. Mais au fond, que retient-on de ce Bibliomancien ? Que l'exercice de style - à moins qu'il ne s'agisse d'une commande - a été réussi. C'est bien la moindre des choses, encore, en respectant des formes aussi connues et déjà explorées que celles de la Fantasy urbaine : le personnage ordinaire-mais-pas-tant-que-ça, l'allié(e) costaud(e)-mais-plus-fragile-qu'il-y-paraît, la bestiole mignonne-et-'achement-utile, le méchant-devenu-fou-mais-qui-est-peut-être-manipulé-par-plus-méchant-que-lui, l'organisation secrète-qui-cache-sa-propre-existence-au-commun-des-mortels, et surtout... le name-dropping. Allez, on lira la suite pour voir si ça se bonifie. Et aussi parce que je me demande si, au cours de ses recherches, Isaac saura faire sortir le Premier Radiant de Hari Seldon d'un exemplaire de Fondation...
Commentaires
(Et en ce qui me concerne, c'est pas une ceinture-bouclier que je tirerais de "Dune", ça serait une poignée d'épice :P ...)
Quand à savoir combien il y aura de suites, la question reste ouverte pour le moment...