The Dark Forest
Ce roman fait suite au Problème à trois Corps que j'avais chroniqué il y a quelques mois. Il est le deuxième volet d'une trilogie et n'est pas encore traduit en français : j'ai donc pris la peine de le lire en anglais traduit depuis sa langue originale, à savoir le chinois.
Résumé :
La flotte militaire trisolarienne est en vol vers le système solaire. Il lui faudra quatre siècles de voyage avant d'arriver à destination, quatre siècles au terme desquels les Trisolariens pourront enfin coloniser une planète plus accueillante que la leur. Dans leur plan, l'espèce humaine doit disparaître : un concurrent dangereux mais arriéré, qui occupe la place confortable dont ils ont tant besoin... Alors, au préalable de leur envol, ils ont envoyé sur place les sophons : des intelligences artificielles dissimulées dans des replis des dimensions de l'espace, capables d'interdire la recherche en physique fondamentale et donc la construction d'armes à même de contrecarrer leur invasion. Luo Ji est un astronome convoqué du jour au lendemain par l'ONU et découvre, interloqué, qu'il a été désigné Fixe-Muraille. Des ressources presque illimitées sont mises à sa disposition, à lui et à trois autres Fixe-Murailles, afin qu'ils puissent mettre au point dans le secret de leur esprit - seul espace inaccessible à l'espionnage des sophons - des stratégies qui permettront d'équilibrer la balance entre la Terre et Trisolaris. Dans l'espace, on commence à construire la flotte internationale qui sera chargée de défendre la Terre et l'espèce humaine contre les envahisseurs... Mais comment se défendre contre un ennemi capable de truquer les règles du jeu ? Face à ce dilemme, certains choisissent l'hibernation, préférant faire face au futur, aussi incertain qu'il soit, plutôt qu'aux périls et aux mensonges du présent...
Le précédent volet de cette histoire se concluait sur une sentence de défaite, mais aussi sur une note d'espoir : certains personnages n'étaient pas décidés à renoncer avant même de livrer bataille. La peur du chaos imprègne le premier volet de The Dark Forest : entre ceux qui formulent des plans d'ores et déjà voués à l'échec, ceux qui désirent se perdre dans l'ivresse la plus hédoniste en attendant la fin du monde - fût-elle remise à quatre cents ans dans le futur - et ceux qui, somme toute, attendent les événements car quatre siècles, ce n'est pas demain, l'ambiance de cette première partie est on ne peut plus pessimiste. Lui succède une autre époque, trompeuse, où l'espèce humaine se relève d'une phase de chaos et où les premiers éléments de la flotte trisolarienne s'approchent de la Terre. Liu Cixin est lui-même physicien et il sait que, tout comme l'orbite de Trisolaris est irrégulière, les sociétés humaines passent à travers des phases cycliques aux éléments positifs comme négatifs : à l'optimum qui précède l'arrivée des sophons sur Terre suit une époque trouble et enfin une période chaotique. Le cycle se répète alors : piégée dans une stase artificielle par les sophons, l'espèce humaine subit de plein fouet sa première défaite spatiale dans la guerre contre Trisolaris et manque s'effondrer avec la confirmation de la sentence d'apocalypse.
Liu Cixin connaît de toute évidence les classiques anciens ou plus récents de la SF américaine. A travers l'institution de quatre Fixe-Muraille, je perçois une citation nette à l'Univers Ender d'Orson Scott Card. Chaque Fixe-Muraille possède une mission sacrée dont l'accomplissement mérite bien de consentir beaucoup de sacrifices : défendre in fine l'espèce humaine contre l'inévitable invasion qui s'apprête à déferler sur elle. Mission impossible à remplir par les moyens habituels : le développement scientifique est bloqué d'une façon artificielle par l'influence des Trisolariens et la technologie humaine, malgré toute l'audace des ingénieurs, ne saurait venir à bout des engins conçus par une civilisation capable d'altérer les lois de l'Univers et de plier la matière et l'énergie à ses désirs. La scène de la destruction de la flotte humaine, à l'origine d'un nouveau traumatisme historique, arrache pourtant le lecteur de l'impression trompeuse selon laquelle il se trouverait au coeur d'un remake sinisant de l'épopée de Card : face à une telle disproportion de moyens, la solution ne saurait venir d'une prouesse technique mais bel et bien d'un savant coup d'échecs aux accents très herbertiens. La galaxie est un écosystème de civilisations paranoïaques dont certaines, vieilles de millions et peut-être même de milliards d'années, sont prêtes à tout pour garantir leur survie. Or l'espèce humaine, bien imprudente, a signalé sa présence de plus d'une façon et attiré la convoitise des Trisolariens : pour s'extraire du piège, il faudra tenter un gambit - et Luo Ji, que les masses interprètent parfois comme le Sauveur et parfois comme un incapable, a fait sienne la leçon de Paul Atréides selon laquelle être en mesure de détruire une chose revient à la contrôler de façon absolue. Bien sûr, ce roman n'est pas sans défauts - à commencer par sa narration qui, plus d'une fois, m'est apparue étrange... Et pourtant, il y a ici une telle ambition et une si belle capacité à réinterpréter le fonds science-fictif que l'on ne peut qu'applaudir ! Une chose est certaine : le prochain tome figurera tôt ou tard parmi les lectures de ce blog...
Liu Cixin connaît de toute évidence les classiques anciens ou plus récents de la SF américaine. A travers l'institution de quatre Fixe-Muraille, je perçois une citation nette à l'Univers Ender d'Orson Scott Card. Chaque Fixe-Muraille possède une mission sacrée dont l'accomplissement mérite bien de consentir beaucoup de sacrifices : défendre in fine l'espèce humaine contre l'inévitable invasion qui s'apprête à déferler sur elle. Mission impossible à remplir par les moyens habituels : le développement scientifique est bloqué d'une façon artificielle par l'influence des Trisolariens et la technologie humaine, malgré toute l'audace des ingénieurs, ne saurait venir à bout des engins conçus par une civilisation capable d'altérer les lois de l'Univers et de plier la matière et l'énergie à ses désirs. La scène de la destruction de la flotte humaine, à l'origine d'un nouveau traumatisme historique, arrache pourtant le lecteur de l'impression trompeuse selon laquelle il se trouverait au coeur d'un remake sinisant de l'épopée de Card : face à une telle disproportion de moyens, la solution ne saurait venir d'une prouesse technique mais bel et bien d'un savant coup d'échecs aux accents très herbertiens. La galaxie est un écosystème de civilisations paranoïaques dont certaines, vieilles de millions et peut-être même de milliards d'années, sont prêtes à tout pour garantir leur survie. Or l'espèce humaine, bien imprudente, a signalé sa présence de plus d'une façon et attiré la convoitise des Trisolariens : pour s'extraire du piège, il faudra tenter un gambit - et Luo Ji, que les masses interprètent parfois comme le Sauveur et parfois comme un incapable, a fait sienne la leçon de Paul Atréides selon laquelle être en mesure de détruire une chose revient à la contrôler de façon absolue. Bien sûr, ce roman n'est pas sans défauts - à commencer par sa narration qui, plus d'une fois, m'est apparue étrange... Et pourtant, il y a ici une telle ambition et une si belle capacité à réinterpréter le fonds science-fictif que l'on ne peut qu'applaudir ! Une chose est certaine : le prochain tome figurera tôt ou tard parmi les lectures de ce blog...
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