La vidéo SF du mois - Avril 2017
Si je n'ai jamais chroniqué Matrix sur ce blog, j'ai eu l'occasion plus d'une fois de dire tout le mal que je pense de ce peu nécessaire divertissement cyberpunk, trop vite et trop tôt sacré meilleur film de SF du siècle (mais lequel ? Le XXème ou le XXIème ? Et pourquoi pas celui du millénaire, ce qui réconcilierait tout le monde ?). Si la trilogie Matrix n'a pas été toutefois loupée au point de me convaincre de ne plus jamais aller voir d'autres produits made in Wachowski, je dois dire qu'elle constitue - et en particulier le film qui l'ouvre - l'image même de ce que j'adore détester en SF au cinéma :
- Délires gratuits sur la nature du réel à même de contaminer l'esprit des spectateurs. Près de vingt ans plus tard, je reste suffoqué d'avoir pu entendre un camarade d'université - un garçon par ailleurs tout à fait sensé - me dire en substance qu'après tout, c'était peut-être un documentaire et non une fiction.
- L'abus de symbolisme et de mysticisme qui tendent vers l'asymptote et donc la surdose. Neo, Trinity, Morpheus... et ces clins-d'oeil trop appuyés - wink-wink-nudge-nudge - à destination du public américain qui, sans sa dose d'allusions bibliques, risquerait de décréter que le film est mauvais.
- Tant qu'on en est à parler des personnages, la niaiserie infinie de la relation entre Neo et Trinity.
- Tant qu'on en est à parler de Trinity, je cherche toujours à savoir où elle se procure les sacs-poubelle de son costume. Au vu du caractère indéchirable de ce dernier, je veux les mêmes pour mes ordures ménagères.
- Tant qu'on en est à parler des choix graphiques, mais qui porte ainsi des lunettes de soleil en pleine nuit ou dans le métro ?
- Tant qu'on en est à parler d'éléments iconiques, trop de bullet-time tue le bullet-time.
- Le meilleur pour la fin : quelqu'un sait combien de balles ont été tirées dans ce film ?
Une petite musique monte ces derniers temps : celle qui fredonne la possibilité d'un Matrix 4. Après le four d'envergure cosmique de Jupiter Ascending, un seul mot suffirait à résumer mon état d'esprit dans l'éventualité d'une telle sortie : "hélas". Il y a pourtant bien mieux à faire du riche fonds cyberpunk : au-delà des bien peu utiles interrogations sur la nature de la réalité, au-delà d'une variation sur le thème du conflit entre les deux intelligences - l'artificielle et la naturelle - et au-delà d'une simple esthétique, tout reste à explorer depuis Matrix, car le cyberpunk ne se limite pas à ses thèmes les plus convenus. L'émergence de cultures post-humaines et le poids grandissant de pouvoirs pancapitalistes à même de discuter la légitimité des Etats, voilà des idées qui méritaient d'être mises en avant à l'aube du XXIème siècle. Le plus grand défaut de Matrix fut de les avoir ignorées : à voir la bande-annonce du film Ghost in the Shell, je me dis que nous avons une chance de voir enfin ce que Matrix aurait pu et dû être...
Commentaires
Et sinon oui j'aime Matrix. Le premier, les autres je les aime bien visuellement mais le fond est un peu n'importe quoi.
Tout ça pour dire que quand on est novice en SF, Matrix ça fait une claque, et ça donne envie de se plonger dans la SF. Ce film a vraiment éveillé mon imagination, et m'a permis de commencer à faire le lien entre SF et philosophie. Mais peut-être aurais-je le même avis que toi si je l'avais vu 10 ans après.
Pour ce qui est des décors, des costumes blindés de Trinity ^^, du bullet-time et du nombre de balles tirées, là encore je serais sans doute du même avis que toi aujourd'hui. Mais étant gamin, je trouvais ça génial !
Pour conclure (si j'en arrive à une formule de ce genre, c'est que j'ai été long, désolé ^^), Matrix n'est sans doute pas si génial que beaucoup de gens l'ont dit, mais je pense qu'il fait partie de ces films qui ont démocratisé la SF. Il m'a marqué durablement et restera toute ma vie une référence.
C'est étrange, mais si le premier comme le troisième me donnent envie d'envoyer des coups de latte à tout ce qui remue, le deuxième au contraire m'a toujours beaucoup plu. J'avais le sentiment que les Wachowski désiraient faire péter le contenu philosophisant du premier volet. Bon... le troisième volet a confirmé que ce n'était qu'un sentiment. En 2003, ça valait la peine de taper "Théorie Matrix" sur son moteur de recherche préféré : on tombait sur des discussions incroyables, sur d'obscurs forums, où les gens bavassaient sur la "Matrice jaune" et une éventuelle simulation dans la simulation. Quand au costume de Trinity, en 2012 quelqu'un m'en a parlé - avec des sourires dans la voix - comme d'une "initiation au SM". Bon...
Quel est au fond le principal défaut de "Matrix" à mon sens ? Quand l'être humain devient une ressource, et que l'intelligence artificielle exploite cette ressource au sens premier du terme, il y a matière à faire une véritable mise en abyme de l'aliénation par le travail. Les Wachowski ont évacué cette dimension au profit d'autres lubies et c'est bien ce que je trouve si dommage...
J'aime toutefois bien d'autres thématiques de la SF, et ne vais donc pas fuir ton blog ^^.
Bon après-midi