Le Spirou de... tome 13 : Fondation Z
Un nouveau Spirou, et qui mieux est un Spirou de la série parallèle Le Spirou de... à la tonalité marquée SF, cela ne se manque pas !
Résumé :
Quelque part, dans l'espace profond, un convoi extraterrestre est assailli par un énorme vaisseau de guerre. Trois individus l'abordent après l'avoir immobilisé : claquemurés à l'intérieur de robots bipèdes, ils vérifient sa cargaison d'eau - et en particulier s'assurent de leur capacité à pourvoir la traiter - avant de mettre la main dessus par une transaction informatique. Au même moment et au pôle de surveillance biogénétique d'Hotooïne, l'agent Spirou doit valider de nombreuses transactions impliquant la Fondation Z. Il se sent de plus en plus dubitatif alors même que son supérieur comme ses parents l'incitent à se montrer moins rêveur. L'irruption inattendue de sa sœur Seccotine, venue lui dérober une accréditation ouvrant l'accès aux plus hauts niveaux du pôle va le propulser dans une aventure inattendue. Que manigance la Fondation Z ? Y a-t-il un lien avec la disparition de Pacôme, grand-père de Spirou et employé de l'année ? Quel est le rôle du gouvernement interstellaire dans ce complot ? Et pourquoi l'agent furtif Fantasio vient-il à la rescousse de Spirou et de Seccotine ?
Fondation Z, c'est d'abord une patte graphique des plus originales : un trait qui parvient à s'affranchir de celui du grand Franquin - et qui renouvelle donc les visages des principaux personnages tout en laissant malgré tout le lecteur en mesure de les identifier au détour d'une case - et un univers science-fictif original puisqu'il réutilise avec intelligence des éléments venus des premiers albums de Spirou dans un cadre qui par moments confine presque au steampunk. Le mouvement dans les cases n'est pas en reste : les auteurs osent l'infini à l'horizontale - space-op' oblige - mais aussi et surtout à la verticale, offrant au lecteur des scènes de chute contrôlée qui ne sont pas sans rappeler certaines des constructions de Moebius dans L'Incal. En peu de mots, c'est beau et cela vit avec intelligence, et rien que pour cette raison cet album devrait mériter le regard de tout amateur de SF, de BD... ou des deux.
L'ambition graphique des auteurs sert parfois de cache-sexe à une narration basique ou même très pauvre : ce n'est pas le cas ici, au vu du soin méticuleux mis par les auteurs à construire une histoire qui malgré toutes les apparences parvient à s'inscrire d'une façon logique dans tout le reste du Spirouverse. Il semble difficile à première vue de parvenir à justifier l'irruption d'une aventure de space-op' aussi complexe dans celles du groom dont la carrière a commencé dans les années 30 : dans ce futur lointain (ou pas), le gouvernement et les grandes corporations scientifiques marchent main dans la main, et les simples citoyens ont pour horizon celui d'être désignés "employés de l'année", les extraterrestres pullulent tout comme les intelligences artificielles, et si la technologie prend des atours steampunk évoqués plus haut, elle semble en même temps assez avancée pour s'apparenter à de la magie. C'est en exploitant la personnalité du héros que les auteurs accomplissent leur tour de force. Face à la collusion entre élites - politiques et industrielles - cet univers peut compter sur des citoyens vigilants tels que Spirou, mais aussi sur une résistance organisée, ainsi que sur des électrons libres tels que Fantasio : le schéma général de l'album gagne encore en complexité, son intrigue prenant même par moments des accents herbertiens puisque l'opposition est manipulée en sous-main par le gouvernement ou truquée d'autre façon ; si bien qu'in fine seul Spirou - investi comme toujours par une volonté tout à fait désintéressée de redresser les torts - apparaît pur, sauvé par sa naïveté même. Face à lui complote une ambition sans limites, qui n'est autre que celle du professeur Z - en d'autres termes, le dictateur électronique Zorglub. Le schéma est posé : on est bel et bien dans une aventure de Spirou même si son cadre est plutôt inhabituel, et même si sa conclusion est tout à fait inattendue. La dernière page tournée, le lecteur se sent dépaysé, surpris de la meilleure façon qui soit, et surtout convaincu : bravo !
Commentaires
Et là, je trouve que l'exercice est très bien réussi.