Evolution

Troisième nouvelle du recueil Danses aériennes de Nancy Kress, Evolution possède un titre des plus intéressants... mais quelle histoire pouvait-il recouvrir ?
Résumé : 
Betty a eu autrefois une vie compliquée : son fils Sean n'est pas celui de son mari Jack, mais bel et bien celui d'une amourette adolescente avec un jeune interne de l'hôpital, une histoire qui a failli très mal se terminer. Après quelques années de prison, Betty fait grandir ses enfants dans un monde gangrené par les bactéries polyrésistantes aux antibiotiques. Dans ce climat de peur où le moindre rhume peut annoncer une pathologie mortelle, un médecin est assassiné dans sa ville...
Les antibiotiques : substances sécrétées par certains micro-organismes, dont la fonction naturelle est de tenir à distance les concurrents pour un milieu de croissance - le pré-requis étant que le microbe sécréteur dispose d'un gène de résistance à son propre antibiotique sans quoi, il s'éliminerait lui-même de son propre environnement. Il se trouve que les bactéries sont capables par différents moyens de s'échanger des fragments d'ADN contenant des gènes - ce que l'on appelle transformation naturelle - et il arrive parfois que l'ADN échangé contienne un gène de résistance à un antibiotique : la bactérie transformée acquiert alors une résistance à celui-ci. Du point de vue de l'être humain, cela veut dire que l'antibiotique devient inefficace contre cette bactérie-là et c'est pour cette raison que l'on tente à l'heure actuelle de limiter la consommation des antibiotiques - parce qu'arroser le monde bactérien d'antibiotiques revient à sélectionner les bactéries résistantes, et donc à favoriser par transformation l'apparition de lignées bactériennes polyrésistantes. Corollaire inattendu : c'est au sein des hôpitaux - soit donc là où l'on concentre patients, bactéries diverses et antibiotiques variés - que pullulent les lignées de bactéries polyrésistantes... et vous savez à présent pourquoi les infection nosocomiales sont tout sauf amusantes.

Dans cette histoire, la médecine est en train de perdre la guerre des antibiotiques. Il n'y en a plus qu'un seul qui soit encore efficace, mais la biologie prédit qu'un jour ou l'autre tombera ce dernier rempart contre la victoire du monde bactérien. Comme dans toute forteresse assiégée, la peur de la défaite imminente - qu'elle ait lieu ce soir, demain, dans une semaine ou dans dix ans - rend l'assiégé paranoïaque et le conduit au bord de la folie, là où naissent les abominations et les monstres. Le malade cesse d'être perçu dans sa spécificité humaine pour ne plus être qu'un pestiféré, soit donc un nid à microbes ambulant ; et alors que l'horloge de la fin du monde progresse vers minuit, se forment des ligues déterminées à ralentir la grande aiguille - quitte à restreindre l'emploi du précieux antibiotique à leur seul usage, afin de survivre à la pandémie qui s'annonce. La science offre pourtant une solution radicale : plutôt que de produire sans cesse de nouveaux antibiotiques - une course aux armements aussi coûteuse que vaine, in fine - il s'agit de conclure une paix réelle avec le monde microbien, en assumant que le devenir de l'humanité passe par une véritable symbiose. Le personnage de Betty, une femme ordinaire prise elle-même dans un conflit de personnes, va se révéler la mieux placée pour comprendre l'enjeu des recherches de l'homme qui l'a jadis trahie : la narration coule de source et l'histoire est fascinante. Bravo !

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