La Volonté du Dragon
Lors de mon premier séjour aux Utopiales, en 2011, je m'étais offert ce livre de Lionel Davoust : un auteur que je n'avais jusqu'alors jamais lu, et que je n'ai en réalité toujours pas lu ! J'ai décidé de lire enfin ce roman assez court et de lui offrir sa chronique tant retardée...
Résumé :
L'Empire d'Asreth, qui cherche à unifier le monde entier, souhaite lancer enfin sa conquête du Grand Sud. Sa tête de pont sera la principauté de Qhmarr, une région arriérée dont les habitants suivent la voie du lâh et sont soumis aux lois immémoriales de leur théocratie. La puissance militaire impériale soutenue par une technologie magique est écrasante, et pour le Qhmarr l'alternative se résume à la reddition ou à la défaite... Pourtant, le diplomate impérial s'étonne de voir l'ennemi se montrer si confiant au cours de l'ultime entretien destiné à laisser une chance à la paix. Le Qhmarr aurait-il quelque atout caché ? La conquête sera-t-elle bien de tout repos ?Dans ce roman, la technologie impériale repose sur la maîtrise d'une forme de magie par l'intermédiaire de machines : en ce sens, j'ai envie de dire que La Volonté du Dragon s'apparente presque à de la science-fantasy même si son postulat semble inhabituel. Deux civilisations s'opposent ici : d'un côté, l'orgueilleuse Asreth, pénétrée de sa destinée manifeste à dominer le monde et à l'éclairer de ses conceptions méritocratiques et peut-être même égalitaires ; de l'autre, l'indolent Qhmarr, convaincu de ce que chacun - de l'individu aux Etats - se doit tenir la place qui lui a été assignée par le lâh dans le concert universel. Entre la fédération de nations appuyée par la technologie et le royaume tribal soutenu par ses croyances ancestrales, il ne peut y avoir de compréhension - et il ne peut donc y avoir de coopération sans démonstration militaire. Si Asreth l'emporte, c'en est fini pour le système social de Qhmarr ; si ce dernier résiste, le projet impérial de la première est menacé pour la première fois depuis des générations.
Cette opposition est illustrée par un schéma narratif très asymétrique : un seul personnage de Qhmarr dispose d'une voix sans pour autant bénéficier d'un point de vue, alors qu'au contraire plusieurs personnages d'Asreth bénéficient d'une voix et d'un point de vue. De ce fait, le lecteur se trouve comme les seconds parfois plongé dans la perplexité face aux comportements étranges de leurs antagonistes : le jeu d'échecs où les bateaux et leurs équipages ne sont que des pions en retire une dimension inquiétante, du genre de celle que peut avoir du destin à la progression inéluctable. Sans surprise, le combat se révélera meurtrier tant pour Asreth que pour Qhmarr : chaque adversaire devra in fine garder quelque chose de l'autre au terme de cette guerre aussi courte que décisive pour l'avenir du monde.
Lionel Davoust signe donc ici un roman intéressant dont il est difficile de prédire l'issue, et s'offre même le luxe de l'insérer dans un univers beaucoup plus vaste que l'on imagine foisonnant : voilà qui témoigne d'une belle ambition, et qui mérite que l'on y prête une attention décisive...
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