La Tour sombre tome 1 - Le Pistolero
De Stephen King, j'ai lu assez peu de textes pour le moment... La faute à un intérêt bien tardif que j'ai regretté à ma lecture de Ça, un flamboyant roman d'horreur qu'il m'aurait fallu lire pendant mes années Lycée sans doute ! Quoi qu'il en soit, il m'a semblé intéressant de poursuivre mon exploration de l'oeuvre de King - et pouvait-il y avoir meilleure façon d'y parvenir que de s'intéresser à La Tour sombre, cet énorme cycle qui est réputé comme son grand-oeuvre ?
Résumé :
Roland, le Pistolero, est le dernier de son clan. A travers un désert immense, il pourchasse un mystérieux homme en noir que l'on dit sorcier ou nécromancien : Roland a déjà eu affaire jadis à ses maléfices, dans la ville de Tull où il a failli mourir. Alors que le monde a changé, alors que les pistoleros sont presque éteints, pourquoi s'entête-t-il dans une poursuite à l'intérêt non formulé ? Pourtant, au cœur du désert dont l'extension même témoigne de l'épuisement du monde, il saura trouver un allié inattendu - et peut-être le savoir qui lui manque pour définir sa véritable quête...
Je conserve en mémoire le souvenir de ma surprise quand, autrefois, je voyais en librairie les dos à couverture violette et blanche (de chez J'Ai Lu) des romans du cycle de La Tour sombre comme égarés parmi les dos à couverture noire des autres œuvres de Stephen King : à l'époque, je préférais ne pas lire de romans d'horreur et je m'étonnais de découvrir que cet auteur, que j'avais typé sans même l'avoir lu comme écrivain spécialisé en ce genre, semblait s'être intéressé aussi à la SF. J'avais donc retenu le titre de ce cycle après avoir jeté un coup d’œil quelque peu distrait - voire même peu intéressé - à la quatrième de couverture de son premier tome... Et puis, à l'été 2017 j'ai eu l'occasion de voir le film tiré d'une partie de cette histoire : un film qui, comme souvent, était vilipendé par les connaisseurs de l'oeuvre écrite - mais qui, malgré ses défauts évidents qui étaient à même de gêner jusqu'à ceux qui n'y connaissaient rien, avait su m'intriguer... La chose était pour moi entendue : un jour ou l'autre il me faudrait partir à la recherche de la Tour sombre.
Le texte lui-même est surprenant. L'écriture de King, celle que j'avais découverte ciselée dans 22/11/63 puis clinique dans Ça, se fait ici allusive et poétique, à l'image de cet univers post-apocalyptique où la vie humaine semble avoir perdu peut-être toute valeur et en tout cas tout sens. Le monde a changé : véritable leitmotiv de personnages qui, suite à un cataclysme d'ordre civilisationnel, ont compris que l'espèce humaine est vouée à disparaître. Si Le Pistolero, qui occupe le volume le plus important de ce livre, interroge d'emblée la dimension cosmique de l'intelligence humaine - capable de formuler la nature fractale de la réalité - ce qui inscrit La Tour sombre dans le cercle fermé des œuvres interrogeant l'Univers lui-même, il ne s'embarrasse pas à formuler une axiomatique et délègue ce travail à un texte plus court - Les petites Sœurs d'Elurie - où l'on retrouve Roland quelques temps avant sa macabre aventure à Tull : ce texte-là exploite un fragment d'histoire personnelle pour mieux décrire l'écrin où va s'exercer l'ambition réelle de Stephen King.
Les formes choisies par le maître de l'horreur pour développer son intrigue cosmique sont surprenantes : somme toute, La Tour sombre démarre comme un western post-ap' - à tel point que j'ai fini par me dire qu'il serait pertinent de citer ici la série manga The Arms Peddler, dans laquelle le personnage de Garami ressemble quelque peu à un avatar lointain de pistolero ! Comme c'était d'ailleurs le cas dans The Arms Peddler, et comme on est dans un roman de King, l'horreur n'est de toute façon jamais loin : une horreur biologique ou magique bien sûr, mais aussi et surtout une horreur psychologique démontrant bien que même après la fin du monde, ou peut-être à cause de celle-ci, l'être humain ne cesse jamais d'être ignoble. A moins, bien sûr, que la fin du monde ne soit la conséquence de la médiocrité humaine ? La grandeur d'âme de certains personnages témoigne pourtant de ce qu'il est prématuré peut-être de désespérer de l'espèce toute entière : de toute évidence, le combat de Roland - s'il est encore mal défini - ne fait que commencer. Il s'agit donc d'un premier volume étonnant et fort peu disposé à se livrer : c'est la première fois depuis Dune que j'ai affaire à si forte partie et c'est en soi une performance de nature à m'intriguer... Première étape validée, par conséquent ? Il semblerait bien.
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