Le chant des Psychomorphes
Ce livre de Laurent Whale m'a été recommandé avec application par un ami dont j'ai fait la connaissance à la Convention SF d'Amiens 2018 : je me le suis procuré un peu plus tard grâce à l'efficacité de Markus Leicht, le libraire de Temps-Livres, et me suis attelé bientôt à sa lecture...
Résumé :
Zéar Schybbs est un petit fonctionnaire du gouvernement terrien, dont les passe-temps se limitent aux rencontres amoureuses, au jeu et aux vacances sur Paradis 5 : pour cette raison, il comprend mal pourquoi une huile de l'ambassade brixtéenne vient lui rendre visite incognito à son domicile... Quelques instants plus tard, voici que l'Excellence Qabar L'nitrish lui fait une proposition qu'il ne peut refuser - puis qu'à la suite de l'assassinat de ce même attaché aux affaires étrangères de Brixto, Zéar doit s'enfuir en catastrophe de son propre appartement avec la GouvPo à ses trousses ! Pour essayer de se tirer de l'invraisemblable sac de nœuds où les combines brixtéennes viennent de l'enchevêtrer, il va devoir quitter la planète. Par chance pour lui, les alliés ne manqueront pas sur sa route... mais la chance pourra-t-elle suffire à lui faire démêler le complot brixtéen ? Et d'ailleurs, pourquoi Brixto s'intéresse-t-elle de si près à un monde arriéré aux confins de l'espace humain ?
Dans un volume ramassé, Laurent Whale sert à son lecteur une intrigue à cent à l'heure, où les personnages sont sans arrêt confrontés au péril et doivent se tirer de situations inextricables à la seule force de leur intelligence quand ce n'est pas celle de leurs muscles. On est ici dans le sense of wonder le plus hamiltonien : une intrigue d'envergure galactique, un noir complot, un personnage ordinaire qui se transcende en héros, des mondes et des créatures étranges, une guerre spatiale et des civilisations interstellaires... Jusque dans les petits détails, on retrouve dans Le chant des Psychomorphes des citations au space-opera tel que popularisé par Edmond Hamilton, avec les alliés ou les ennemis sans trop de nuances de gris, mais surtout cette ode à l'espace comme une nouvelle frontière qui regorge de dangers, de richesses et surtout de merveilles, et qui génère sa propre culture ainsi que sa propre légende. L'hommage est appuyé, il est réussi, il est brillant : bravo !
Le vrai talent dont l'auteur administre la preuve ici ne se résume toutefois pas à la qualité de son hommage hamiltonien : si le vernis et la structure de cette histoire évoquent très volontiers le space-opera de l'âge d'or, certaines de ses formes sont tout à fait contemporaines. Le contexte que Laurent Whale dévoile au fil des pages est celui d'une civilisation désunie où les flux du pouvoir sont liés non aux seules ressources, mais aussi à la suprématie scientifique. Brixto est une civilisation humaine indépendante et hostile au gouvernement terrien : on la devine agressive et capitaliste, c'est-à-dire portée sur l'exploitation de l'environnement naturel, social et intellectuel. Ce qui caractérise la rapacité de Brixto - son goût pour le secret et la manipulation - témoigne de sa philosophie en termes d'économie : les ressources, qu'elles soient naturelles ou scientifiques, doivent être accaparées afin d'en entretenir la rareté - quel que soit le prix moral ou humain à payer...
C'est donc une histoire originale que Laurent Whale nous raconte ici : un space-opera tel qu'Hamilton aurait pu en écrire s'il avait connu notre époque. Merci.
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