Où es-tu, mon Choo ?
Suite du recueil Crimes, aliens et châtiments que je me suis offert à la Convention Nationale de SF d'Amiens 2018 : après un premier texte (excellent) de Laurent Genefort, place à Où es-tu, mon Choo ? de Pierre Bordage...
Résumé :
P.G. de Garbo est un détective privé qui reçoit un beau jour dans son bureau nantais une belle héritière, venue lui demander d'enquêter sur la disparition de son amant. Mais P.G. de Garbo est spécialisé en Espèces Non Humaines Non Animales - et l'amant de Gersande n'est rien d'autre qu'un Caudalien, soit donc un alien que la culture populaire connaît comme un "jabba", ce qui enfreint toutes les lois humaines ainsi que la bienséance la plus commune. Pourtant, de Garbo accepte l'affaire : bientôt rejoint dans son enquête par deux Clamurtis (à moins qu'il n'y en ait qu'un seul) il va mettre au jour un complot inquiétant...
Pierre Bordage est l'un des grands conteurs de la SF française et francophone : le voici se prêtant à son tour à un jeu de massacre dans un contexte amusant, celui où - suite à l'irruption d'une quantité improbable d'espèces extraterrestres - la SF a perdu tout intérêt aux yeux du public humain, contraignant ses auteurs à la reconversion. Bordage reprend ici un acronyme que l'on trouvait déjà dans sa pentalogie de la Fraternité du Panca : les extraterrestres dans cette histoire sont tous assez différents - que ce soit du point de vue de la biologie que de celui de l'intelligence - pour mériter une pareille appellation. S'ils peuvent interagir d'une façon ou d'une autre avec l'être humain, c'est pour des raisons ou selon des modalités si insolites qu'elles ne font que souligner leur étrangeté. De cette étrangeté - soit donc, de cette différence - l'être humain s'accommode mal et, de la même façon que par le passé l'homme a pu trier l'humanité selon des critères aberrants et à des fins monstrueuses, une faction extrémiste aux atours et aux méthodes proches de ceux du Ku Klux Klan a fait son émergence, déterminée à faire avancer son agenda.
Comme dans Jennifer a disparu, ce texte se caractérise par l'emploi très bien caractérisé de l'humour et même de l'humour noir : Bordage prend un malin plaisir à jouer avec les références de la culture populaire et avec certaines de leurs implications, mais aussi avec ses propres habitudes d'écrivain. On retiendra en particulier le titre hilarant qu'il imagine pour le sept cent trente-septième épisode de la saga Star Wars, mais aussi la façon dont son intrigue est construite autour d'une histoire d'amour si interdit qu'elle ne devrait même pas exister - mais pourtant, elle existe, et elle se termine bien même si c'est plus à cause d'un deus ex machina que du seul talent d'un détective privé... Il est très net ici que Bordage, lui aussi, s'est beaucoup amusé à écrire ce texte qui ne se prend pas au sérieux une seule seconde et qui en ressort d'autant plus réjouissant à lire. Bravo !
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