Alix tome 37 : Veni Vidi Vici
Même si j'ai déjà eu l'occasion de parler ici du personnage d'Alix, je ne l'ai jamais fait à travers un album venu de la chronologie principale de la série des Aventures d'Alix. A la faveur de la sortie d'un nouvel album sans la participation de Jacques Martin (et pour cause : il n'est plus de ce monde), je me suis dit que le moment était venu peut-être d'en parler pour de bon...
Résumé :
A Rome, César est le maître. Son rival Pompée n'est plus, mais ceux qui le suivaient - à commencer par ses fils - n'ont pas renoncé... d'autant plus qu'avec la consolidation du pouvoir de César, les mécontentements se cristallisent. Alix et son ami Enak sont à Samosate, mandés par le dictateur qui désire créer une bibliothèque à Rome et leur a demandé de faire copier les documents les plus intéressants qu'ils y trouveront. Mais Samosate a autrefois soutenu Pompée... si bien que la colère bouillonne, d'autant plus que le roi Pharnace du Pont semble prêt à fondre sur le territoire romain. Quelles menaces pèsent sur Alix ? Quels ennemis devra-t-il affronter pour sauver sa vie ?
D'un point de vue graphique, cet album adopte un trait assez proche des premiers albums de la série créée par Jacques Martin : ceux qui ont découvert Alix dans les années 80 à travers ses albums les plus récents pourront lever un sourcil quelque peu intrigué, à constater cette coquetterie des continuateurs de la série. Le caractère rétrograde de cette séquelle étant accepté par le lecteur, celui-ci pourra s'intéresser aux réelles nouveautés : on découvre ici un Alix bagarreur, plus gaulois que romain parfois, et un Enak inédit par son caractère cabochard. L'un des plus célèbres duos de l'Antiquité fictive se trouve donc très bien renouvelé, d'autant plus qu'Alix a pris du galon et doit accomplir sa mission en tant que préfet intérimaire nommé par César lui-même. Le lecteur attaché à la continuité interne d'une série et d'un univers - ce que je suis - se prendra même à rêver qu'il s'agit du premier pas d'Alix vers les hautes fonctions qu'il sera trente ans plus tard appelé à remplir auprès d'Auguste et de son Sénat... mais pour le lecteur ordinaire, il ne s'agira jamais que d'une péripétie habituelle pour Alix, que César a très souvent chargé de missions dangereuses.
L'intrigue de cet album, comme c'était parfois le cas chez Jacques Martin, est en réalité sa véritable faiblesse. Alix mène de front une mission officielle et une enquête souterraine dans les bas-fonds de Samosate. La ville accueille un nombre élevé de temples et, en cette terre d'Asie Mineure propice aux syncrétismes, les prêtres et les augures sont assez nombreux pour agiter la peur en cette époque encore troublée. La frontière est toute proche au-delà de laquelle se trouvent de puissants ennemis, et Rome est au contraire bien éloignée. L'ensemble forme un terreau fertile pour les intrigues, et c'est sans surprises que la Némésis d'Alix va refaire une apparition : le grec Arbacès, revêtu cette fois-ci d'un costume oriental, vient machiner sa vengeance mais aussi la défaite - si possible - de César. Le principal antagoniste sera toutefois un personnage étonnant, à mon avis tout à fait neuf dans une histoire d'Alix, dont l'irruption peut apparaître quelque peu téléphonée même si la dernière image de l'album lui donne une dimension supplémentaire. En faisant de ce personnage un intérêt sentimental pour Alix, les auteurs auraient pu brouiller un peu les codes de la série - mais le traitement de ce fil d'intrigue secondaire n'est pas efficace, et l'arrivée des légions de César sur la fin de l'album achève de brouiller le signal...
En fin de compte, Veni Vidi Vici se révèle pas tout à fait manqué, mais pas tout à fait réussi non plus : on en retiendra qu'il s'agit d'un hommage appliqué à l'oeuvre d'un grand nom de la BD - un grand nom qui lui-même, à force de produire des planches magnifiques, a été capable de négliger l'histoire qu'elles habillaient...
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