The Labyrinth Index
Un Charles Stross et qui mieux est, un livre du Cycle de la Laverie... Comment aurais-je pu y résister bien longtemps ?
Résumé :
La Grande-Bretagne possède un nouveau Premier Ministre, occupé pour le moment à consolider son pouvoir : le "Mandat" n'est en réalité que l'incarnation physique du Pharaon Noir, une entité d'ordre supérieur déterminée à s'installer dans le plan dimensionnel occupé par les êtres humains - et moins hostile à l'égard de ceux-ci que bien d'autres créatures qui pullulent dans la trame de la réalité elle-même... Ainsi, le rétablissement de la peine de mort lui permet d'alimenter les vampires du Nouveau Management - l'agence qui a succédé à la Laverie démantelée depuis moins d'un an, et Mhari devenue Baronne est maintenant l'une de ses créatures favorites, pour le meilleur ou pour le pire. Ailleurs dans le monde, la situation est tout aussi grave : cela fait des années que l'agence paranormale des Etats-Unis, plus puissante encore que la défunte Laverie, ne coopère plus avec ses alliés théoriques... et depuis plusieurs semaines, le Président a disparu - sans que quiconque dans la presse ou même le public général ait semblé s'en inquiéter. De toute évidence, les mages du gouvernement américain - les Nazgûl - ont fomenté quelque noir complot contre leur propre pays et peut-être même la planète entière... C'est ainsi que Mhari reçoit du Premier Ministre la mission de constituer une task force chargée de remettre la main sur le Président ! Le territoire étranger se révélera bientôt ennemi et même hostile - et que peuvent perdre les pions des puissances quand ils s'affrontent sur l'échiquier, sinon leur vie et peut-être leur âme en même temps ?
"One does not simply walk into Mordor."
Sean Bean incarnant le personnage de Boromir.
The Labyrinth Index est l'un de ces livres du Cycle de la Laverie dont Bob - le héros et narrateur historique de la série - n'est pas le personnage principal. Après The Delirium Brief où l'on retrouvait ce personnage que j'apprécie tant, la place d'honneur est donnée à Mhari - que Bob appelle parfois son ex venue de l'Enfer - vampire de son état et manager très douée. De Bob, on ne verra presque rien dans cette histoire : ainsi que le fait remarquer l'ami Cédric, le personnage est de toute façon de moins en moins humain - et l'univers de la série se fait de toute façon de plus en plus hostile à la simple humanité. Jusqu'à présent, le CASE NIGHTMARE GREEN s'était exprimé à travers une épidémie super-héroïque (dans The Annihilation Score) somme toute bénigne - sauf pour les personnes atteintes, bien sûr : cette fois-ci, c'est du sérieux. On savait déjà depuis la fin de l'épisode précédent que la Grande-Bretagne n'était plus dirigée par des êtres humains : il est devenu clair à présent que c'est la même chose aux Etats-Unis, dont les étoiles du drapeau ont désormais pas moins de sept branches. The Labyrinth Index est donc une histoire de la fin des gouvernements humains. A leur place, vient se nicher le pouvoir totalitaire de sectes aux ordres d'entités supra-humaines - quand ce n'est pas celui de ces puissances elles-mêmes : on se demande, à voir les conséquences de la lutte que ces entités engagent par pays interposés, quelle option serait la moins fâcheuse pour la simple humanité...
Il n'en reste pas moins que le pouvoir que servent les "Nazgûl" semble différer de celui qui s'est niché au 10, Downing Street. Le second tolère la présence humaine et peut donc jouer son rôle dans la sauvegarde de notre espèce. Le premier considère par contre l'être humain et sa planète comme de simples ressources, que l'on peut exploiter ou remodeler à volonté : le gouvernement des "Nazgûl" a beau s'appuyer sur la richesse énorme du complexe militaro-industriel des Etats-Unis et sur des symboles plus anciens que ce jeune pays, sa forme est bel et bien totalitaire, puisqu'elle a recours au cauchemar de la surveillance généralisée ainsi qu'à la police politique. Dans ce contexte, la fuite du Président peut sembler n'être qu'un gravier dans la chaussure du nouveau pouvoir : ce serait négliger le statut de la Constitution aux Etats-Unis, un texte révéré qui grave dans le marbre le rôle et les responsabilités des différents pouvoirs du gouvernement. Et c'est pour cette raison que le Président est menacé - puisque la main-mise des "Nazgûl" sur le pays ne pourra être totale que lorsque le pouvoir aura été transmis par la voie légale. Il est donc amusant de voir comment, alors que les personnages se coltinent à la fin du monde, chacun s'applique à respecter les formes légales. Après tout, les textes de loi ne sont-ils pas magiques en ce sens qu'ils contraignent les gens à leur obéir ?
Toujours plus inhumain, toujours plus légaliste, l'univers de la Laverie se fait aussi de plus en plus horrifiant. Le précédent volume ne se contentait pas de faire dans l'énorme : il faisait par moments grimacer de dégoût. Cette fois-ci, l'horreur se fait plus présente encore : sale dès le début, puis violent, puis gore et en fin de compte atroce, The Labyrinth Index n'épargne ni ses personnages, ni ses lecteurs, et les amateurs du genre devraient du coup y trouver leur bonheur. Malgré tout, cela reste du Stross et ce livre est un petit bijou d'humour noir : comme à chaque fois, l'auteur ne recule pas devant le name-dropping - ah ! le crâne de Hitler changé en calice... - voire la citation geek la plus assumée, dès lors que la chose lui permet de mêler rire et frisson. The Labyrinth Index finit en fait par se lire comme on regarderait un blockbuster intitulé Y a-t-il un vampire pour sauver le Président ? Le fait est que oui - et que, comme on peut s'y attendre, le sauvetage en question promet de faire pas mal de dégâts. N'oubliant pas de faire avancer l'intrigue de toute sa série, la solution que livre Stross à la fin ne sera pas complète : le CASE NIGHTMARE GREEN est désormais bien amorcé... On ne sait pas si l'espèce humaine pourra s'en tirer - mais il est certain qu'elle a encore son mot à dire dans son propre avenir. Bravo !
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