Nevertheless
Encore une nouvelle tirée du numéro de Septembre/Octobre 2018 de la revue Analog Science-Fiction and Fact : ce numéro est un cru intéressant pour ce qui concerne les textes courts...
Résumé :
Quand on vit à bord d'un vaisseau spatial, il est facile de gêner les autres - ou de se sentir gêné par son propre corps. C'est le cas de Persephone qui, au fil des petits accidents du quotidien que lui vaut son surpoids, subit dégradation sur dégradation et finit par vivre à l'écart, dans une remise où elle peut enfin s'étirer pour dormir. Sauf que lorsque le capitaine ordonne l'évacuation de sa section du vaisseau, elle se retrouve coincée derrière une porte et sans réel espoir que quelqu'un vienne la tirer de là ! Saura-t-elle improviser une combinaison spatiale pour gagner les sections viables du vaisseau... depuis l'extérieur ?
A une époque pas si éloignée - le long XIXème siècle - il n'était pas mal vu d'être corpulent (ou fort, comme on le disait à l'époque). Les classes sociales aisées disposaient d'un accès confortable aux nourritures les plus grasses et les plus riches, et être obèse était une façon de signaler que l'on avait les moyens de manger plus qu'à sa faim : c'était en quelque sorte un signe extérieur de richesse. Le paradigme s'est renversé depuis : être obèse ne signifie plus "manger trop bien" mais plutôt "mal manger". La malheureuse Persephone vit à une époque où le paradigme social semble assez proche de celui que les obèses doivent subir de nos jours : dans les coursives d'un vaisseau, le surpoids est un handicap car il gêne les manœuvres et les mouvements, il interdit a priori l'accès à certaines tâches, et il est presque incompatible en réalité avec les équipements de bord - combinaisons et couchettes incluses. Par ailleurs, Persephone est réputée endosser la responsabilité de son surpoids - car c'est toujours de notoriété publique dans ce futur-là, si les gros sont gros c'est parce qu'ils ne savent pas contrôler leur appétit - et se voit cantonnée aux tâches les plus ingrates. En toute logique, elle préfère vivre isolée dans son coin de vaisseau : d'autres qu'elles deviendraient dépressifs pour moins que ça.
Cette nouvelle est un conte. Il était une fois une pauvre fille que personne n'aimait et qui vivait en souillon à fond de cale, jusqu'au jour où - poussée par la nécessité - elle réussit grâce à son astuce à s'échapper d'un piège mortel et à réparer le vaisseau depuis l'extérieur, ce qui lui valut la reconnaissance éternelle du capitaine et l'utilité sociale tant désirée. La morale de ce conte n'est à mon sens pas critiquable : ce qui compte, c'est ce que l'on fait, pas ce que l'on est. Malgré son surpoids, Persephone accomplit un tour de force, comme d'autres parviennent à déjouer la sentence de la génétique et à réaliser leurs rêves : il est dommage toutefois que cette morale qui est poussée en avant le soit de façon si peu subtile. Ce texte paraît en effet plat et long, au point que l'on attend la résolution de l'intrigue avec deux pages d'avance, et que de ce fait on ne tremble jamais devant l'accumulation des périls... Ce vaisseau où les obèses sont mal aimés promettait mieux qu'une histoire peu convaincante... et le génie technicien de Persephone méritait mieux, lui aussi. Tant pis !
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