Off-road
A nouveau un texte court venu d'Analog, et toujours du numéro de Septembre/Octobre 2018 : celui-ci est un planet-opera très bien caractérisé - ce qui n'est pas si fréquent sur le format court...
Résumé :
Le camion de Frank Zagorsky et de Joe Murtha circule sur une piste martienne tracée entre une petite ville coloniale et l'astroport international : bien que banal, ce trajet représente pour Frank une belle opportunité de s'enrichir un peu plus avant de revenir sur Terre... quitte à laisser Lili du poste de contrôle et les mystères de Mars derrière lui. Et si cette nouvelle mission se révélait plus dangereuse que prévu ? N'y aurait-il pas là pour Frank une belle occasion de faire un pas décisif dans sa vie ?
Mars, dans cette nouvelle, est décrite en termes assez explicites comme une nouvelle frontière. C'est une terre d'opportunités, qui peut rapporter beaucoup d'argent à ceux qui acceptent de braver son environnement glacial et pas encore domestiqué par le génie humain. Frank et son acolyte sont des employés ordinaires que l'on charge de convoyer des biens d'un point à un autre - à ceci près que cette responsabilité doit tenir compte des difficultés inhérentes à l'environnement martien où la moindre panne peut avoir des conséquences catastrophiques, d'autant plus que Mars possède plus d'un tour dans son sac. Peut-être visités jadis par des êtres intelligents, ses sables dissimulent des anomalies magnétiques jugées intéressantes par les chercheurs : les routiers sont par conséquent commissionnés pour y déposer des kits scientifiques en marge de leur vraie mission.
Cette histoire est une histoire d'hommes, de laquelle les femmes sont presque exclues : alors que les hommes - qu'il s'agisse de Frank et de Joe, ou du père de Frank évoqué dans les souvenirs de celui-ci - bravent les éléments pour accomplir leur travail, les femmes restent à l'abri - de la base, quand ce n'est pas du foyer. Aux routiers, les espaces infinis de la route et les dures missions sur fond de blues et de country music - et aux femmes, la tâche de maintenir l'abri accueillant pour le retour du guerrier ainsi que pour son repos. Cela ressemble à une caricature - et pourtant, je crains que ce n'en soit pas une. Des cow-boys aux camionneurs de Mars en passant par les routiers du Midwest, la filiation entre les générations successives du rêve américain est trop nette ici pour ne pas être voulue : mais le plus dommage, c'est bien sûr qu'à son oeuvre de sanctification du voyage dans les paysages infinis l'auteur en oublie son propos. L'intrigue extraterrestre qui aurait pu être prometteuse est évacuée en quelques mots quand Frank prend conscience de la vraie valeur d'un foyer où l'attend une femme aimante - et au fond Lili ne désire-t-elle pas de l'attendre tous les soirs ? C'est peut-être sur cette attente sans nul doute mythifiée que s'est construite une certaine image de l'Amérique : si cette nouvelle aurait pu paraître neuve dans les années cinquante, elle ne peut aujourd'hui qu'apparaître anachronique...
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