Monade Incarnate

Seconde nouvelle de l'Anthologie des Utopiales 2018, ce texte de Li-Cam se déroule dans un univers de planet-opera pour le moins énigmatique...

Résumé : 

Le Kalpa, enveloppée dans ses linges et portée sur son palanquin, est l'objet de la vénération des pèlerins de Sitive, un monde reculé de l'espace humain. Certains de ces pèlerins sont recrutés, de génération en génération, recevant la mission d'engendrer un enfant spécial que le Kalpa pourra ensuite adopter comme son prochain véhicule... Mais que gagnent-ils en échange ? Et le Kalpa lui-même, à force de frayer avec l'humanité, ne risque-t-il pas tôt ou tard de remettre en question ses propres traditions ?

Les dieux de l'Iliade se battaient aux côtés des mortels - mais si les lames et les lances faisaient couler leur ichor et leur infligeaient de la douleur, elles ne pouvaient pour autant mettre fin à leurs vies. C'est une autre dimension du corps divin que Li-Cam explore ici : le Kalpa possède un véhicule à forme humaine - et en vérité, son corps est celui d'un être humain - mais celui-ci doit être remplacé à intervalles réguliers. Le Kalpa n'est pourtant pas un lointain avatar de Moloch : elle ne réclame pas de sacrifice et son futur véhicule est un clone de la femme qu'elle "recrute" à cette fin. Le monde esquissé ici ne semble donc pas aussi cruel qu'on aurait pu le craindre dans ses premiers paragraphes.

On pense, bien sûr, à l'Hyperion de Dan Simmons en découvrant que Sitive attire des pèlerins, venus réclamer la faveur du Kalpa, mais là encore l'auteure déjoue les impressions de son lecteur : le Gritche de Simmons était un faux dieu conçu pour piéger les nihilistes, alors que le Kalpa de Li-Cam s'intéresse de façon positive aux êtres humains qui viennent à sa rencontre. Quand les dieux se mêlent des affaires humaines, c'est souvent la souffrance qui est au bout du chemin pour les mortels... mais il arrive parfois que ce soit plutôt le changement, et pour les deux parties ! S'il est difficile de bien comprendre toutes les intentions de l'auteure dans ce beau texte, une partie de la leçon semble claire : les dieux cessent d'être tout à fait des dieux quand ils prennent goût à la vie dans cette matière si rebelle qu'est la chair...