The Umbrella Academy
La blogoSFFFère a bruissé, il y a quelques temps, de rumeurs concernant une nouvelle série s'inscrivant dans nos genres de prédilection. Après une période chargée pendant laquelle le temps m'a manqué, j'ai donc pu l'ajouter à mon tableau de chasse...
Résumé :
En 1989, quarante-trois femmes qui n'étaient pas enceintes entrent en travail et accouchent au même moment. L'événement est assez anormal pour attirer l'attention de Reginald Hargreeves, excentrique milliardaire qui adopte sept de ces enfants. Son but ? Ses pupilles disposant de talents paranormaux, rien de moins que constituer puis entraîner une équipe de super-héros destinés à sauver le monde... Trente ans plus tard, l'Académie Umbrella s'est dispersée : un mort et un disparu l'ont amputée, puis d'autres membres se sont mis en retrait. C'est à ce moment précis que les événements se précipitent... Reginald Hargreeves meurt dans des circonstances intrigantes, conduisant les anciens membres de l'Académie à se rassembler peut-être pour la dernière fois. Ont-ils encore des choses à se dire ? Alors que Numéro Cinq fait sa réapparition après avoir disparu pendant vingt ans, deux individus inquiétants se mettent à rôder en ville. Sont-ils liés aux secrets de Reginald Hargreeves ? Les membres de l'Académie pourront-ils comprendre enfin pourquoi leur père adoptif a fait d'eux les individus névrosés qu'ils sont devenus ?
Disons-le sans fard : un super-héros, c'est avant tout un individu anormal. Le super-pouvoir - qui n'est parfois rien d'autre qu'une super-conviction - le retranche de l'humanité ordinaire à tel point qu'il apprécie le plus souvent de dissimuler son identité derrière un masque... puisque, de toute façon, si le corps est surhumain l'esprit ne cesse pas de l'être pour autant. De ce fait, si le masque permet au super-héros de protéger sa vie intime - lorsqu'il le désire : après tout, certains des Avengers n'en portent pas - il n'isole pas les deux expériences de vie du personnage... et pour vivre sur le long terme avec cette véritable dissonance cognitive, mieux vaut être solide - ou alors déjà fou à lier. Mais qu'arrive-t-il quand le super-héros commence son parcours sous les yeux du monde au moment même où son identité se construit à l'adolescence ? Que se passe-t-il quand l'individu super-héroïque voit sa vie ciselée par un adulte aux motivations incompréhensibles ? Cela donne l'Académie Umbrella dont les membres sont pris dans un véritable feu croisé par leurs incapacités sociales, les conflits jamais soldés depuis l'adolescence et une menace trop ignoble pour être elle-même bien comprise.
Quand dans une fiction le futur est barré par un événement d'extinction massive, disposer d'un super-héros capable de voyager dans le temps est toujours utile aux scénaristes - mais cela rend l'intérêt de l'histoire un peu trop fragile aux yeux de ses spectateurs. Il s'agissait donc de trouver une façon de rendre la tâche plus difficile pour les membres de l'Académie : outre leurs relations contrariées pour plus d'une raison - des relations qui ne s'apaisent que dans les situations d'urgence absolue... et encore ! - ils devront faire face à un étrange ennemi qui, disposant lui aussi d'une technique de voyage temporel, s'acharne à faire le nécessaire pour que l'apocalypse ait lieu quoi qu'il arrive... à tel point que le spectateur peut se demander si, d'une façon ou d'une autre, l'apparition de cet ennemi ne serait pas conditionnée par le cataclysme. D'une certaine façon, c'est comme si les Eternels d'Isaac Asimov s'étaient faits plus cyniques encore : la meilleure façon d'assurer un avenir stable à l'humanité, c'est encore de l'éliminer puisque rien n'est plus stable que l'absence de toute forme d'instabilité !
Peut-on espérer trouver une solution quand l'équipe à même de sauver le monde ne s'entend pas et que l'ennemi possède un ou plusieurs coups d'avance ? Existe-t-il même une bonne solution ? La réponse à cette question semble évidente (il n'y en a pas) ce qui implique la recherche de mauvaises solutions - en espérant que, par le jeu des essais et des erreurs, on finisse par en trouver une qui se révélera satisfaisante. C'est ici que la narration des dix épisodes qui constituent cette série prend tout son sens. Le premier épisode propulse son spectateur dans un univers dont il n'a pas la majeure partie des clés : il faut admettre que l'on ne comprend pas tout et que les personnages en savent plus que nous, cette histoire étant celle de non-dits voire de secrets. Les épisodes suivants s'ingénient à dévoiler peu à peu le strict nécessaire à la compréhension de l'intrigue à son point d'avancement - quitte à jouer avec la flèche du temps et à la contredire par moments - de telle sorte qu'au contraire, le spectateur finit par en savoir plus - ou en tout cas autant - que certains personnages dont il peut éprouver par empathie la frustration à laquelle ils n'ont pas droit en raison du jeu temporel : ce tour de force narratif mérite bel et bien d'être salué, au point que l'on peut pardonner aux scénaristes le recours facile au personnage disposant de pouvoirs inconnus. Sur le front graphique, la réussite est belle : il n'y a pas un décor - du manoir qui abrite l'Académie aux paysages citadins ou ruraux, en passant par la désolation qui suit l'apocalypse - qui ne soit construit avec un soin méticuleux, de telle sorte que tous parviennent à évoquer à la fois la présence humaine chaleureuse et le malaise. Quelque chose ne va pas bien dans ce monde, à l'image de cette famille de super-héros déboussolés qui portent tous les stigmates d'une enfance volée : au fond, super-pouvoirs en moins, ce monde est-il si différent du nôtre ?
The Umbrella Academy est donc une belle découverte : je m'intéresserai à ses suites, c'est certain...
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