Retour sur Aldébaran tome 2
Je le disais à Tigger Lilly l'année dernière en réponse à son commentaire sur ma chronique du tome 1 de cette nouvelle série signée Leo et inscrite au sein des Mondes d'Aldébaran : avec Leo, il est parfois légitime de craindre le pire, mais avec cette ouverture de nouveau cycle il semblait bien parti. Avec ce deuxième album sur trois prévus, il fallait entrer dans le vif du sujet... au risque de déplaire - ou au contraire pour convaincre tout à fait !
Résumé :
Manon a été capturée ! Kim et Luc sont repassés par la porte quantique afin de trouver sur Aldébaran les renforts et le matériel nécessaire au sauvetage... or, de l'autre côté de la porte, la situation politique ne s'améliore pas. Le gouvernement est sur le point de tomber, il sera remplacé par une faction méfiante à l'égard des extraterrestres amicaux venus étudier le cube... Alors que les événements se précipitent, le ravisseur de Manon l'emmène de plus en plus loin du camp de base. Même si la jeune femme réussit à reprendre assez vite le contrôle de son destin, il n'est pas certain qu'elle parvienne à rejoindre dans les temps l'équipe de secours dirigée par Kim... Les conditions météo désastreuses sur cette planète inconnue seront-elles le seul obstacle aux retrouvailles entre les deux amies ? Pourquoi le ravisseur de Manon semble-t-il si bien connaître Aldébaran mais témoigne-t-il d'une pareille méfiance à l'égard des êtres humains ? La confiance aura-t-elle le temps de se construire entre les différents protagonistes avant que survienne un désastre ?
Un bon épisode des Mondes d'Aldébaran implique des difficultés humaines et extraterrestres. Selon la nature du monde exploré, les difficultés humaines peuvent se résumer à des enjeux de pouvoir ou à l'attitude navrante que certains individus développent à l'égard de la différence ou des idées neuves ; et les difficultés extraterrestres, le plus souvent, sont liées à un environnement hostile... soit donc le plus souvent à des grosses bêtes ! Les amateurs du genre trouveront donc leur satisfaction dans cet album : Aldébaran semble sur le point de succomber à nouveau à certains de ses démons - la planète a été gouvernée pendant plusieurs décennies par un régime militaire oppressif - et la planète inconnue qui se trouve de l'autre côté de la porte quantique est peuplée d'une faune dangereuse, est gratifiée d'une météo capricieuse et abrite une peuplade en apparence primitive mais malgré tout à l'aise avec la technologie avancée. Le cocktail est réussi : l'irruption d'antagonistes intelligents ne se fait pas sur le mode peu convaincant du spin-off Survivants - où les extraterrestres hostiles étaient à la fois cruels et laids - mais plutôt sur celui de l'infiltration. Qui sont les natifs de la planète inconnue ? Leur apparence très humaine - plus en tout cas que celle des Tsaltérians - laisse à penser qu'ils constituent un rameau isolé de l'arbre généalogique humain... mais leur attitude méfiante pour Manon, Kim et les autres suggère que quelque traumatisme civilisationnel peut-être très ancien a conduit ces gens à se retrancher de l'humanité. Ce n'est sans doute pas un hasard si leurs traits semblent en faire des amérindiens - et pour être plus précis, de ces natives dont l'expropriation et l'élimination constituent le péché originel des Etats-Unis.
Leo aime les road-movies extraterrestres, il sait y glisser des péripéties dont toutes ne se résument pas aux assauts des grosses bêtes sus-citées : même si le récit de ce deuxième tome se rapproche de ceux que faisaient déjà plusieurs albums de la série, on n'a pas tout à fait l'impression de lire un reboot pour ne pas dire un auto-plagiat. En multipliant les points de vue, les lieux d'intrigue et en donnant à des personnages secondaires leur instant d'importance, Leo rend son récit tonique et intelligent. Bien sûr, on notera qu'il ne résiste pas à la tentation de faire s'interroger les personnages sur la nature de leurs relations : ainsi Marc et Kim évoquent-ils leur passé commun, et ainsi Manon semble-t-elle de plus en plus attirée par son beau et ténébreux ravisseur. C'est du Leo, et ce genre de passage est attendu, mais au moins sont-ils traités "en passant" ainsi qu'il se doit - et donc ne polluent-ils pas le développement de l'intrigue. Leo s'est-il aidé lui-même en osant une intrigue peut-être plus complexe au sein d'un même album que par le passé ? Il se confirme en tout cas que son Retour sur Aldébaran renoue avec les meilleurs moments de l'univers où il s'inscrit... et cet album, s'il ne sert au fond pas à beaucoup plus qu'à flécher vers la conclusion du cycle, n'en reste pas moins parfait !
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