The unnecessary parts of the story
Encore une nouvelle tirée du numéro de Septembre/Octobre 2018 d'Analog : munie d'un titre à rallonge, elle ne m'a pas attiré tout de suite. Ai-je bien fait de lui accorder un peu d'attention ?
Résumé :
Des myriades d'histoires et de films vous ont préparé à cette situation - celle où, après avoir visité une planète inhabitée, l'un de vos membres d'équipage est saisi du soudain désir de massacrer tout le monde à bord, puis se met à bourgeonner en tumeurs purulentes avant de proclamer qu'il a été infecté par un virus extraterrestre intelligent et surtout déterminé à proliférer sur chaque monde humain, à commencer par la Terre. Votre équipage se révélera-t-il plus ou moins intelligent que ceux que la science-fiction a eu l'occasion de plonger dans tel péril ? Ou bien l'ennemi sera-t-il trop bon stratège pour vous et vos compagnons, êtres humains très ordinaires ?
La SF sait parfois se contempler elle-même avec une certaine dérision : si dans son Bienvenue dans le cauchemar classique de 1973 Robert Sheckley imaginait une invasion extraterrestre des plus... classiques, il savait la justifier d'une façon si originale et rigolarde que cette nouvelle méritait bel et bien d'accéder au statut de... classique du genre ! The unnecessary parts of the story adopte une démarche tout à fait comparable en parodiant le schéma d'Alien - rien de moins : la grosse bête, que le film de Ridley Scott a installée à tout jamais dans les recoins obscurs des plus sinistres astres de la science-fiction, se voit ici remplacée par un micro-organisme capable d'une intelligence collective et dont l'expansion interstellaire dépend du parasitage de civilisations technologiques par l'intermédiaire de leurs individus.
La chose aurait pu se contenter d'être sinistre et, de ce fait, ne guère s'éloigner de son schéma initial : c'est ce qui fait d'une histoire une bête réitération d'une autre plus innovante. L'auteur a su cependant échapper à cet écueil en adoptant une démarche proche de celle de Sheckley quarante-cinq ans plus tôt : The unnecessary parts of the story est un morceau d'humour noir de toute première qualité. L'équipage humain y est constitué d'une juxtaposition d'individus à la compétence discutable dont certains relèvent plus de la psychiatrie que de la gestion de crise exobiologique : d'ailleurs, aucun ne mérite un nom puisque ce qui les définit, ce n'est pas leur identité mais bel et bien leurs rôles dans le désastre qui s'annonce - et si l'on pense détecter dans ce bateau ivre quelque analogue de Ripley, c'est pour avoir la surprise quelques lignes plus loin de la voir disparaître puisque l'organisme extraterrestre l'a identifiée comme inutile à son plan.
Au-delà de son humour noir, c'est aussi avec son intelligence que cette nouvelle convainc et même séduit. Le narrateur de cette histoire sinistre et marrante n'est autre que le virus découvert sur quelque planétoïde qui aurait mieux fait de rester ignoré des cartes stellaires ; l'histoire elle-même est racontée à la seconde personne, un procédé littéraire pas si fréquent mais qui, lorsqu'il est maîtrisé, amène le lecteur à une forme d'immersion toute particulière. La fin du film - pardon, de l'intrigue - est attendue depuis le départ : ce qui intéresse le lecteur, c'est de savoir quelle était la stratégie de l'infernal envahisseur microbien. Qu'en dire sinon que si, dans l'espace personne ne vous entendra hurler, même les virus extraterrestres peuvent avoir envie de gagner du temps sur leur planning...
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