Le Scrameustache tome 44

Je n'avais pas chroniqué le précédent tome du Scrameustache : après un tome 42 que j'avais trouvé très bon car parvenant à trouver l'équilibre entre l'ambiance actuelle de la série et la mythologie de ses premiers albums, le numéro 43 s'était révélé à mon sens moins inoubliable. Il n'en reste pas moins que je suis encore et toujours un fidèle de Gos même lorsqu'il est assisté par son fils Walt - ce qui, on le rappellera, signifie le plus souvent une implication majeure des Galaxiens dans l'intrigue d'un album...
Résumé : 
Il y a du changement dans l'air à Chambon-les-Roses... L'oncle Georges a renoué avec la belle Astrid et ils ont décidé de se marier, vingt-huit ans après une occasion manquée. Du coup, Khéna est ravi de savoir que son oncle ne restera pas seul quand il sera parti finir ses études sur le Continent des Deux Lunes... mais si Georges espérait voir un peu de calme revenir dans sa vie, ce n'est pas encore pour tout de suite : apprenant le projet, le conseil des Anciens Galaxiens décide d'offrir aux futurs mariés un voyage de noces all-inclusive sur leur lune tropicale en reconnaissance pour les services que Georges leur a rendus depuis des années à son corps défendant. Si l'oncle de Khéna est dubitatif, Astrid sait bien vite le convaincre de saisir l'occasion... et ce même si Georges le sait bien, avec les Galaxiens les problèmes finissent toujours par se presser au portillon. Lorsqu'une dune s'effondre tout près du pavillon que leur ont laissé les Galaxiens et qu'apparaît un très ancien édifice, Georges et Astrid sont très loin de se douter de ce qui les attend...
Gos, le vrai père du Scrameustache, a eu l'occasion de collaborer avec Peyo sur deux albums des Schtroumpfs : j'ai tendance à penser que les Galaxiens doivent quelque chose aux lutins dont Gargamel est l'ennemi juré. Apparus de façon décisive dans le sixième album de la série, les Galaxiens partagent en effet avec les Schtroumpfs plusieurs points communs. Ils sont de petite taille, ont en général une couleur anormale chez l'être humain (le vert pour les lutins de Gos contre le bleu pour ceux de Peyo), ont une tête humanoïde mais compliquée par un accessoire (antenne contre bonnet), pratiquent une division du travail quasi absolue (même si elle est atténuée chez les Galaxiens par un changement de rôles périodique, chaque individu est habillé d'une salopette portant un insigne correspondant aux fonctions du moment), sont dirigés par un vieillard parfois irascible, semblent ne pas porter de nom mais adoptent parfois des surnoms liés aux circonstances quand ce n'est pas à leur caractère... Dans tous les cas, ces petits personnages sont censés être marrants, faisant rire le jeune public par le comique de situation et les calembours : cela ne marche pas toujours.

Je ne suis pas un très grand fan des Galaxiens, et d'autant moins depuis qu'ils ont pris une place de plus en plus importante au détriment d'autres personnages récurrents. Cet album annonce la couleur depuis sa couverture : il se trouve de toute évidence dans la continuité du tome 26 (Les Enfants de l'Arc-en-ciel) où Gos et Walt introduisaient de nouvelles couleurs de peau chez les Galaxiens et administraient une leçon toujours bienvenue même si maladroite sur le racisme. Le lecteur fidèle sait que les Galaxiens ne sont pas autochtones de la première lune d'Aktarka et qu'ils y ont débarqué suite à un cataclysme sur leur planète d'origine : il n'est dès lors pas difficile d'imaginer que la porte des deux mondes du titre n'est rien d'autre qu'un trou de ver faisant communiquer les deux astres. Le dessin, toujours aussi bien maîtrisé, ainsi que le texte somme toute assez logique et la narration fluide permettent au lecteur d'ingérer sans encombres environ un tiers de l'album : cela se tient assez bien et l'on se dit que Gos et Walt vont réussir à terminer le boulot sans réel problème et surtout en faisant le lien avec la mythologie de la série. Et puis, en quelques pages, hélas tout s'écroule : cette histoire perd le sens qu'elle aurait pu prendre et finit par se résumer à une succession de pages dont la cohérence intrinsèque et dans le cadre de la série devient de plus en plus discutable... et ce n'est pas les gags finaux - plus ou moins drôles - dont Georges est le dindon de la farce qui sont en mesure de rattraper cette mauvaise impression.

Dans ce fouillis, quelques bonnes idées auraient pu être sélectionnées pour être mises en avant. Les Galaxiens - en véritables Schtroumpfs de l'espace - peuvent être parfois maladroits, cabochards, menteurs, moqueurs et même vengeurs mais aucun n'est par essence méchant, si bien que ce sont des personnages dont le caractère positif est irréductible - ce qui n'a pas toujours été le cas du Scrameustache, par exemple. Cet album proposait une véritable nouveauté en donnant à voir une communauté de Galaxiens contrôlée par un Ancien si peu sage - pour une fois - qu'il se montrait disposé à prendre le pouvoir de façon autoritaire et à exercer une véritable dictature : quand les idées manquent, le mieux à faire est parfois de retourner les schémas de la série pour en tester la robustesse. Ici, Gos aurait pu opposer le Scrameustache - qui, lui, est par essence un anarchiste - à une dictature galaxienne, ce qui aurait eu de la gueule. Après tout, les Galaxiens ne forment-ils pas déjà une société où l'individu s'efface devant le groupe au point de ne pas avoir de réelle identité personnelle, à tel point que leur sourire quasi permanent aurait pu prendre des accents dystopiques très inquiétants ? Le Gos de La Menace des Kromoks (tome 8) aurait pu, j'en suis certain, faire quelque chose de convaincant à partir de cette idée : il est d'autant plus regrettable de le voir contourner ce thème avec un soin qui semble délibéré. A-t-il eu peur de choquer son public ? Je le regrette un peu car il ne s'est pas toujours montré si timoré.

En fin de compte, c'est un album très décevant qui nous est livré ici et c'est bien dommage...

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